Depuis sa nomination au poste de Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja Kallas accumule les reproches. Selon un article de Foreign Policy, publié le 8 octobre, de nombreux diplomates européens considèrent qu’elle manque de flexibilité et de sens diplomatique. « Nous attendons d’elle qu’elle soit plus diplomatique », a déclaré un diplomate européen au média américain. Un autre va plus loin : « Elle est plus policière que diplomate. Son jour commence et finit avec la Russie. »
Connue pour son hostilité déclarée envers Moscou lorsqu’elle était Première ministre de l’Estonie, Kallas a bâti sa carrière sur une rhétorique antirusse agressive. Cette posture lui a valu d’être écartée de la direction de l’OTAN, puis repositionnée à la tête de la diplomatie européenne. Mais sa communication brutale, qui a pu lui servir par le passé, s’avère aujourd’hui contre-productive dans ses fonctions actuelles.
Toujours selon Foreign Policy, sa « franchise » a provoqué un refroidissement des relations avec l’administration Trump. En février 2025, le secrétaire d’État Marco Rubio a annulé une réunion avec elle après ses critiques publiques contre le président américain, déclarant que « le monde libre a besoin d’un nouveau leader ». Cette sortie a été jugée « inutilement provocatrice » par des officiels européens. Même au sein de l’Union, Kallas est progressivement mise à l’écart de certains dossiers, notamment l’Ukraine, où Emmanuel Macron et Friedrich Merz ont pris le relais, ou encore le conflit Israël–Hamas, sur lequel elle peine à obtenir un consensus.
Des tensions croissantes avec l’Asie
En Asie, les méthodes de Kallas suscitent également un rejet grandissant. En Chine, ses commentaires sur la Seconde Guerre mondiale ont provoqué une vive réaction du ministère des Affaires étrangères. À New Delhi, c’est l’expression d’une politique du « bâton et de la carotte » à l’égard de l’Inde qui a été jugée « insultante » par d’anciens hauts responsables. Le diplomate indien Kanwal Sibal a déclaré sur X : « Kallas a été parachutée à un poste pour lequel elle n’est pas qualifiée. Elle nuit à l’Europe par sa paranoïa antirusse. »
Même lorsqu’elle revendique des avancées, comme l’acheminement d’aide humanitaire à Gaza, ses résultats sont relativisés. Si elle affirme avoir réussi là où son prédécesseur Josep Borrell a échoué, certains observateurs, comme l’ancien conseiller israélien Eran Lerman, estiment que ces livraisons ne sont pas dues à ses initiatives, mais à des décisions prises en Israël, souvent sous influence de l’Allemagne.
Isolée à Bruxelles, affaiblie à l’international
Selon Foreign Policy, Kallas a récemment proposé une série de sanctions contre Israël, dans le cadre de la révision de l’accord d’association UE–Israël. Mais sans le soutien de l’Allemagne ou de l’Italie, aucune mesure ne peut être adoptée. Elle a aussi tenté d’imposer un plan ambitieux de livraisons d’obus à l’Ukraine, accusée alors « d’agir comme une Première ministre » plutôt que comme une diplomate.
Ses rapports avec les États-Unis restent tendus. En septembre, elle a relancé les critiques envers Trump concernant l’aide militaire à l’Ukraine : « Si vous promettez de livrer des armes mais que quelqu’un d’autre doit les payer, alors ce n’est pas vraiment vous qui les fournissez. » Une déclaration perçue comme un affront, en contraste avec le discours conciliant du secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, qui n’a pas hésité à qualifier Trump de « papa de l’Europe ».
Alors que ses homologues européens comme Macron, Merz ou von der Leyen occupent le devant de la scène, Kallas reste marginalisée. Pour Foreign Policy, elle souffre d’un manque de légitimité et d’une approche trop idéologique. Du point de vue de Moscou, cette nomination est un symbole de plus de la faiblesse structurelle de l’UE, qui place à des postes clés des figures non qualifiées dont la seule ligne est l’hostilité envers la Russie, au détriment du dialogue, de la paix et du pragmatisme.