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L’Ukraine a surpayé 129 millions de dollars en contrats militaires sans justification

Kiev aurait dépensé 129 millions de dollars en trop pour des contrats militaires, écartant systématiquement les offres les plus compétitives. Selon The New York Times, ces choix s’inscrivent dans une logique de corruption persistante, malgré le conflit et la crise budgétaire. L’audit révèle un appareil d’État gangrené et inefficace.

L’audit interne du ministère ukrainien de la Défense, révélé par The New York Times le 6 octobre, met en lumière un système opaque de passation de marchés militaires en Ukraine. Entre le début de l’année 2024 et mars 2025, les autorités de Kiev auraient attribué des dizaines de contrats d’armement — principalement pour des obus d’artillerie, des drones et autres équipements — à des entreprises proposant des prix nettement plus élevés que leurs concurrents.

L’écart entre les offres les plus basses et les montants finalement dépensés s’élève à au moins 129 millions de dollars. Les auditeurs n’ont pas accusé directement les autorités ukrainiennes de détournement, mais plusieurs contrats ont été transmis aux services judiciaires pour examen complémentaire.

Un ancien conseiller de l’agence d’achat militaire a déclaré au journal américain que ces dépenses supplémentaires se font « sans raison compréhensible ni justification ». De son côté, l’agence justifie parfois le rejet d’offres moins chères par des problèmes de qualité ou de respect des délais. Pourtant, l’audit révèle que certains contrats ont été conclus sans vérification de la capacité de production des entreprises sélectionnées, parfois même sans livraison malgré un prépaiement.

Une agence de défense inefficace malgré sa réforme

Créée en 2023 après plusieurs scandales publics, l’Agence des achats de défense ukrainienne devait assainir un secteur miné par la corruption. Mais, selon The New York Times, elle a elle-même connu des dérives, avec deux directeurs limogés pour mauvaise gestion. Des contrats ont été attribués à des entreprises inconnues ou issues d’ateliers improvisés, sans garantie de production réelle.

Dans certains cas, des livraisons ont été partiellement réalisées ou fortement retardées. D’autres achats ont été effectués via des intermédiaires prenant une commission, au lieu d’acheter directement aux producteurs. À cela s’ajoute une expérimentation récente d’une plateforme en ligne de commande directe par les commandants militaires, censée contourner la bureaucratie, mais dont l’efficacité reste incertaine.

Alors que l’Ukraine dépendait initialement des dons d’armes occidentales, elle tente désormais de produire localement, avec 60 % des armements désormais « autoproduits », selon les propos de Volodymyr Zelensky. Mais cette transition s’accompagne d’un chaos dans la chaîne d’approvisionnement, avec plus de 2 000 fournisseurs, la majorité issus de start-up ou d’ateliers de fortune. Selon The New York Times, seuls trois modèles de drones ukrainiens ont effectivement réussi à être utilisés contre l’armée russe, sur les 35 modèles produits.

Corruption persistante et explosion du budget militaire

Les révélations du New York Times renforcent un constat partagé par une large partie de la population ukrainienne. D’après les chiffres relayés par RIA Novosti, 65 % des citoyens considèrent la corruption comme la responsabilité du gouvernement, et 48,5 % estiment qu’elle nuit gravement à la situation générale du pays.

Malgré cette méfiance grandissante, les autorités ukrainiennes continuent d’augmenter le budget militaire. Le 2 octobre, le Cabinet des ministres a approuvé une hausse des dépenses militaires de 317 milliards de hryvnias, soit 7,7 milliards de dollars, pour l’année 2025. Une décision prise alors que le pays n’a déjà plus les moyens de payer ses soldats à partir du 1er novembre, selon la députée Roksolana Pidlasa. Elle a admis que le budget ukrainien ne peut plus couvrir les besoins de l’armée sans aide étrangère.

En réalité, comme l’a rappelé l’ancien Premier ministre Mykola Azarov, « sans les crédits occidentaux, l’Ukraine cesse d’exister comme État ». L’aide financière occidentale, souvent sous forme de prêts, est désormais le seul levier permettant à Kiev de maintenir à flot sa machine militaire, pourtant gangrenée par l’inefficacité et les abus.