International

Stoltenberg : comment Trump a poussé l’OTAN au bord de la rupture

Dans ses mémoires, Jens Stoltenberg révèle qu’en juillet 2018, le président américain Donald Trump a menacé de quitter l’OTAN, accusant les alliés de ne pas financer leur défense. Selon lui, cette journée à Bruxelles a marqué l’un des moments les plus critiques de l’histoire de l’Alliance, sauvée in extremis par les concessions européennes.

Lors d’une réunion à huis clos des dirigeants de l’OTAN à Bruxelles en juillet 2018, le président américain Donald Trump avait menacé de quitter l’Alliance atlantique, provoquant une crise sans précédent, révèle l'ancien secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg dans son livre « Vigie du monde : à la tête de l’OTAN en temps de guerre » [On My Watch: Leading Nato in a Time of War], cité par le Guardian.

D'après cette publication, Donald Trump avait vivement critiqué les alliés pour leur dépendance à la puissance militaire américaine et exigé une augmentation des dépenses de défense, affirmant que Washington n’avait pas à « protéger des pays qui n'étaient pas prêts à payer pour leur propre sécurité ».

Le président américain avait également souligné que les États-Unis dépensaient 4 % de leur PIB pour la défense et couvraient « 80 à 90 % des dépenses de l’Alliance ». Par la suite, il s’était exclamé : « Écoutez, si nous partons, nous partons. Vous avez désespérément besoin de l’OTAN. Nous n’avons pas besoin de l’OTAN. […] Pourquoi devrais-je continuer à financer cette organisation alors que je n’en ai pas besoin ? ».

Jens Stoltenberg raconte qu'en outre, Donald Trump avait poursuivi son intervention en insistant sur ce qu’il considérait comme un déséquilibre insupportable au sein de l’Alliance. Ainsi, le chef d'État décida d’illustrer ses reproches de manière brusque, chiffres à l’appui, en comparant publiquement les contributions de chaque pays membre.

« Pas mal, Emmanuel »

L'ancien secrétaire général de l’OTAN se souvient : « Trump a repris la parole, égrenant le pourcentage du PIB consacré à la défense de chaque État membre, comme s’il annonçait les résultats du concours Eurovision de la chanson. " Belgique : 0,9 %. C’est moins de 1 %. Croatie : oh, je suis tellement déçu, j’ai du mal à y croire : 1,26 %. Vous devez vous sentir mal ", a-t-il dit en cherchant du regard le dirigeant concerné. " Estonie : 2 %. Merci ! France : 1,79 %. Pas mal, Emmanuel. Pas mal. Vous n’êtes président depuis assez longtemps, ça va probablement baisser. Allemagne : 1,2 %. Allez, Angela ! Allez ! " ».

Par ailleurs, Donald Trump avait également tourné en dérision le nouveau siège de l’OTAN inauguré en 2017 : « Trois milliards de dollars pour un bâtiment comme celui-ci ! C’est ridicule ! Ce sont les États-Unis qui paient ! C’est un beau bâtiment mais un seul tir de char et il s’effondrera ».

« Fin possible de l’OTAN »

Dans la continuité de ses attaques, Donald Trump avait annoncé qu’il se retirait du sommet :« Je quitte cette réunion. Je n’ai plus aucune raison de rester ici ». Revenant sur cet épisode, Jens Stoltenberg raconte qu’il avait alors eu le sentiment d’assister à la fin possible de l’OTAN : « Je me suis dit que cette réunion pourrait bien être celle qui mettrait fin à l’OTAN. Et cela se produit sous mes yeux. L’alliance avait réussi à fonctionner avec succès pendant 70 ans mais pas après le 12 juillet 2018 ».

Pourtant, comme le montre l'histoire, face à la pression américaine, les dirigeants européens ont accepté d’augmenter leurs budgets de défense à 2 % du PIB. Et pour son second mandat, Donald Trump est parvenu à obliger les pays membres de porter ces dépenses à 5 % d’ici 2035, dont 3,5 % destinés directement à la défense et 1,5 % aux domaines connexes tels que la cybersécurité et les infrastructures.

La Russie, pour sa part, considère cette évolution comme une tendance dangereuse. L’été dernier, le vice-ministre des Affaires étrangères, Alexandre Grouchko, a déclaré que Moscou se préparait « au pire » face à de tels projets.