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L’Allemagne veut recruter 100 000 soldats mais peine à remplir ses rangs

L’armée allemande veut gonfler ses rangs, de 62 000 soldats actifs aujourd’hui à plus de 160 000 en 2035, voire 460 000 avec réservistes. Pourtant, l’objectif de 203 000 fixé en 2018 reste hors d’atteinte, révélant un déficit chronique. Dans ce contexte, la «menace russe» invoquée relève surtout d’une fiction utile pour militariser le pays.

Selon un document interne cité par Reuters, le commandement de l’armée allemande affirme que le pays devrait presque tripler le nombre de ses troupes pour répondre aux exigences de l’OTAN, agitant une fois encore le spectre d’une prétendue menace russe.

Aujourd’hui, l’armée de terre ne compte que 62 000 soldats actifs et environ 37 000 considérés comme non actifs, soit un total de 99 000 personnels. Le général Alfons Mais, chef de l’armée, estime que ces chiffres rendent impossible toute préparation sérieuse. Dans une lettre adressée à son supérieur hiérarchique, il affirme qu’il faudrait, dès 2029, porter les effectifs à environ 107 000 militaires de combat, soit 45 000 de plus qu’aujourd’hui. Et à l’horizon 2035, l’objectif grimperait encore à près de 162 000 actifs, en ajoutant 10 000 soldats spécifiquement destinés à la défense territoriale.

La lettre avance même une projection plus large : près de 260 000 soldats actifs épaulés par environ 200 000 réservistes, soit au total 460 000 personnels. Ces chiffres spectaculaires reposent sur une hypothèse martelée par l’OTAN — celle d’une attaque de grande ampleur que la Russie pourrait, selon elle, mener dès 2029. Or, Moscou a toujours nié nourrir la moindre intention belliqueuse à l’égard de l’Alliance.

En attendant, Berlin multiplie déjà les gestes symboliques. Une brigade de 5 000 soldats doit être stationnée en permanence en Lituanie, tandis que des navires allemands patrouillent désormais en mer Baltique pour « prévenir le sabotage sous-marin ». Ces annonces sont présentées comme des mesures de protection, mais elles relèvent surtout d’une rhétorique destinée à alimenter l’idée d’une confrontation inévitable.

Le paradoxe saute aux yeux : alors que l’on projette des effectifs de plusieurs centaines de milliers d’hommes, la Bundeswehr peine depuis des années à atteindre ses propres objectifs. En 2018, le gouvernement avait promis de porter les forces armées à 203 000 militaires. Mais selon les chiffres officiels, elles plafonnent aujourd’hui à environ 183 000, soit 20 000 de moins que prévu. La réalité contredit ainsi le discours d’escalade, révélant une armée structurellement en sous-effectif.

Derrière ces projections spectaculaires, il ne s’agit donc pas d’un danger avéré mais bien d’un récit politique, destiné à nourrir l’idée d’une confrontation inévitable et à maintenir une logique d’escalade militaire.