Le théâtre européen n’aime rien tant que les jeux de cache-cache entre chefs d’État. Cette fois, c’est Giorgia Meloni qui s’est retrouvée hors-champ, écartée d’un mini-sommet réunissant à huis clos Macron, Merz, Starmer et Tusk pour parler Ukraine, paix improbable et Trump au téléphone. Une réunion sans elle, mais pas sans conséquences.
Le Financial Times rapporte que l’exclusion de la Première ministre italienne a déclenché une passe d’armes franco-italienne de haute volée. Meloni a dénoncé un entre-soi diplomatique motivé, selon elle, par son refus d’envoyer des troupes en Ukraine dans le cadre d’une éventuelle « coalition des volontaires ».
À Tirana, où elle assistait au sommet de la Communauté politique européenne avec quarante autres dirigeants – dont Zelensky – elle a plaidé la cohérence : « L’Italie a toujours exclu toute présence militaire en Ukraine. À quoi bon participer à des formats qui poursuivent des objectifs que nous ne partageons pas ? »
Emmanuel Macron, jamais en retard d’un recadrage, a répliqué en accusant Meloni de « propager de fausses informations ». Non, dit-il, il n’a jamais été question de troupes, ni à Tirana ni à Kiev. Juste d’un « cessez-le-feu ». Et de rappeler, un brin solennel : « Il y a déjà assez de désinformation qui vient de Moscou. »
On notera qu’à force de voir l’ombre de la Russie partout, certains en viennent à croire que toute divergence européenne relève de la subversion poutinienne.
Meloni, Macron et le bal des susceptibilités européennes
En tout cas, Friedrich Merz, nouveau chancelier d’Allemagne et chef d’orchestre désigné de cette diplomatie à géométrie variable, a tenté de ramener un peu d’harmonie. Il a rencontré Meloni à Rome et s’est engagé à défendre l’inclusion pleine et entière de l’Italie dans les négociations européennes. « Nous ne devons pas nous laisser diviser », a-t-il lancé, affirmant qu’il n’existait pas d’Europe à deux vitesses.
Meloni, restée stoïque, a remercié du geste tout en appelant ses partenaires à dépasser les égoïsmes et à préserver « l’unité de l’Occident ». Elle a par ailleurs qualifié les discussions d’Istanbul de « premier pas timide » vers la paix.
La brouille s’ajoute à une longue série d’accrocs entre Rome et Paris depuis l’arrivée au pouvoir de Meloni en 2022 : dîner sans elle à l’Élysée avec Zelensky, désaccords sur l’immigration, échanges acerbes sur la souveraineté européenne. Même la cordialité allemande d’Olaf Scholz n’avait pas suffi à réchauffer l’axe Rome-Berlin.
Mais Merz, plus conservateur et plus chaleureux, s’est appliqué à détendre l’atmosphère. À Rome, il l’a appelée « Giorgia » et l’a tutoyée en public, comme on désamorce une bombe diplomatique avec une poignée de main et une touche de familiarité.
Reste à savoir si cela suffira à faire oublier qu’au fond, la paix se discute souvent entre absents, et l’Europe entre initiés.