International

Moscou : «La Turquie est un acteur imprévisible qui peut mettre même Washington dans une impasse»

Même si Ankara a déployé ses troupes en Irak sans demande préalable ou autorisation de Bagdad, Moscou espère que Recep Tayyip Erdogan n'aggravera pas la situation déjà tendue dans la région.

«Nous espérons que les préoccupations que le secrétaire général du Conseil de sécurité de l'ONU et certains membres ont exprimées lors de la réunion que nous avons convoquée refroidiront les esprits échauffés à Ankara et que l’on réglera la situation d’une manière qui satisfasse le gouvernement irakien», a déclaré à la presse Vitali Tchourkine, ambassadeur de Russie auprès de l’ONU, à l'issue d’une réunion du Conseil à huis clos.

Le diplomate russe a aussi souligné que la Russie souhaiterait qu'Ankara «n’entreprenne plus de nouvelles actions irréfléchies, notamment sur le sol syrien».

Près de 150 militaires turcs, équipés de chars et de pièces d'artillerie ont, non seulement franchi la frontière syrienne dans la province de Nineveh, mais aussi pénétré à l’intérieur du territoire irakien sur une centaine de kilomètres, d’après Reuters. Pour le moment, les soldats turcs se trouvent dans la région de Bachika, à 10 kilomètres au nord-est de Mossoul, deuxième plus grande ville du pays occupée par les terroristes de Daesh depuis juin 2014. En s’emparant de cette ville, le groupe extrémiste avait pu mettre la main sur le grand nombre d’armes et de munitions qui y étaient stockées.

«J'ai conclu que ces démarches avaient été entreprises sans concertation, même avec les Etats-Unis, ce qui est assez étrange et prouve que la Turquie est un acteur imprévisible, qui peut entreprendre des actions qui, non seulement mécontentent les Irakiens, mais peuvent aussi mettre Washington dans une impasse», a ajouté Vitali Tchourkine.

Lire aussi : Washington répugne à l’admettre mais elle «cautionne» le trafic de pétrole entre la Turquie et Daesh

«La Turquie a agi de manière imprudente et inexplicable, en procédant à des déploiements supplémentaires de troupes dans le nord de l'Irak sans l'accord du gouvernement irakien. Nous vivons une époque étrange où certains membres du Conseil de sécurité ne peuvent pas même prêter allégeance à leur patrie. Certains de nos collègues disent : "Non ! Non ! Pas de déclarations, car  elles ne font qu’aggraver la situation!" Je pense que ce comportement, assez fréquent chez nos collègues occidentaux, est incompatible avec les règles et manque de principe», a poursuivi l’ambassadeur russe à l’ONU.

En ce qui concerne la réaction de l’Irak, son ambassadeur, Mohamed Ali Alhakim, a répété plusieurs fois à la presse, à l’issue de la réunion à huis clos, que le déploiement de troupes turques sur le sol irakien était «illégal» et «violait la souveraineté» de son pays. Pour cette raison, l'Irak réclame  toujours leur retrait.

Néanmoins, il a précisé que Bagdad et Ankara voulaient résoudre cette question par des négociations bilatérales. «Nous n'allons pas encore en référer au Conseil de sécurité ni aux Nations unies», a-t-il poursuivi. 

Le 1er décembre, Ankara a envoyé plus d’une centaine de soldats équipés de chars et de pièces d'artillerie en Irak. Malgré l’ultimatum de Bagdad exigeant un retrait de ce contingent sous 48 heures, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, insiste sur le fait que ces soldats font partie de la coalition occidentale et entraînent les forces irakiennes dans leur lutte contre Daesh.

 

«C’est notre devoir d’assurer la sécurité de nos soldats», a répété le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, ces derniers jours. «Tout le monde est présent en Irak… le but est évident», a-t-il ajouté.