C'est une enquête qui ne devrait pas redorer le blason de l'armée américaine. Le 27 août, The New Yorker a publié une enquête sur le «massacre de Haditha» commis il y a près de 19 ans. «Lorsque les Marines américains ont tué 24 personnes dans une ville irakienne, ils ont également filmé les conséquences de leurs actes. Pendant des années, l'armée a tenté de cacher ces photos au public», résume froidement le magazine.
Tout commence le 19 novembre 2005, lorsqu'une patrouille de Marines (USMC) embarquée dans quatre Humvees heurte un engin explosif sur la route de la ville de Haditha, dans le nord-ouest de l'Irak. «L'explosion a tué un Marine, le caporal Miguel Terrazas, et en a blessé deux autres», rapporte The New Yorker.
Dans la foulée de cette explosion, le groupe de soldats abat 24 personnes, hommes, femmes et enfants. «Près du lieu de l’explosion, ils ont abattu cinq hommes qui se rendaient en voiture dans une université de Bagdad», relate le média américain. Puis, les militaires entrent dans trois habitations dont ils tuent les occupants. «Les Marines ont affirmé plus tard qu’ils combattaient des insurgés ce jour-là, mais les morts étaient tous des civils», souligne le magazine.
Détails sordides, les Marines envoyés quelques heures plus tard pour transporter les corps vers une morgue locale ont numéroté au feutre rouge les cadavres semés par leur unité. La plus jeune des victimes, Ayesha Younis Salim, trois ans, porte le numéro 12 griffonné sur la joue droite. Abattue d'une balle en pleine tête, sa sœur de cinq ans, Zainab, porte quant à elle le numéro 11 dans son dos. Des clichés macabres réalisés par les caporaux Ryan Briones et Andrew Wright.
Ces photos «choquantes [...] montrent des hommes, des femmes et de jeunes enfants sans défense, dont beaucoup ont reçu une balle dans la tête à une distance relativement proche», commente le New Yorker.
USMC : lorsqu'un officier se «vante» d'avoir étouffé le scandale
Quatre Marines ont été accusés d'avoir participé à ce massacre, avant que les poursuites ne soient abandonnées. En raison de la fin de la guerre civile irakienne durant la décennie 2010 et du début du retrait américain, l'affaire n'est plus médiatisée, déplore le New Yorker.
Le média souligne que le général Michael Hagee, qui était le commandant du corps des Marines à l'époque des faits, «s'est vanté» d'avoir gardé secrètes les photos. «La presse ne les a jamais reçues, contrairement à Abou Ghraib», aurait-il ainsi déclaré lors d'une interview en 2014, en référence au scandale qu'avait provoqué la publication en 2004 de photos de sévices infligés à des prisonniers irakiens par des soldats américains et des agents de la CIA.
Alors que l'armée américaine refusait de fournir les documents prouvant les atrocités commises, l'équipe du New Yorker est directement allée en Irak pour rencontrer la famille des victimes et obtenir les clichés en question. Le dossier du média américain a donc finalement réussi à publier les photos du massacre de Haditha.
L'intervention américaine en Irak remonte à 2003, lorsque les États-Unis ont accusé à tort le gouvernement de Saddam Hussein d'être en possession d'armes de destruction massive. Cette décision s'est faite sans l'aval des Nations unies. La Chine, la Russie, la France et l'Allemagne s'étaient notamment opposées au projet militaire de Washington.
L'arrivée en Irak des troupes de Washington et de ses alliés avait entraîné la chute du gouvernement de Saddam Hussein et plongé le pays dans une guerre civile aux multiples ramifications opposant la communauté chiite à la communauté sunnite et laissant le champ libre à l'arrivée de l'État islamique.