«Il lui a tiré une balle dans la tête». Caspar Grosse, médecin allemand dans une unité de combattants internationaux sur le front ukrainien, a relaté au New York Times (NYT) l’exécution sommaire d’un prisonnier russe blessé. Un crime qui a particulièrement marqué cet Allemand, qui a décidé de témoigner.
Les faits se seraient déroulés en août 2023 dans l’«est de l’Ukraine», au sein d’une unité commandée par un ancien membre de la Garde nationale américaine et modestement baptisée la Chosen Company («Compagnie élue», ndlr.), a relaté le média. Toujours selon le récit de ce dernier, un soldat russe «blessé et non armé» rampait dans une tranchée quelques heures après un engagement. Grosse confie au NYT avoir vu ce soldat demander des soins. Mais alors qu’un membre de l’unité est en train de chercher des bandages, un autre s’avance et abat froidement le prisonnier.
«L'assassinat du soldat russe blessé et non armé est l'un des nombreux meurtres qui ont déstabilisé la Compagnie élue, l'une des unités les plus connues des troupes internationales combattant pour l'Ukraine», a poursuivi le quotidien new-yorkais dans cette enquête publiée ce 6 juillet. En effet, si les souvenirs de Grosse sont pour l’heure la seule preuve de l’exécution sommaire de ce prisonnier russe, l’Allemand a par la suite pris soin de documenter plusieurs exactions de son unité.
«Cela sert surtout à se défouler»
Le NYT a ainsi rapporté que dans un groupe de discussion, des membres de Chosen «se sont vantés» d’avoir «tués des prisonniers de guerre russes lors d’une mission en octobre». Dans l’une des vidéos consultées par le média américain, un membre de l’unité est vu en train de lancer une grenade sur un soldat russe qui se rend. «L'armée ukrainienne a publié une vidéo de l'incident pour montrer ses prouesses sur le champ de bataille, mais elle a supprimé la reddition», a précisé le New York Times concernant cet «incident». L’auteur de ce crime de guerre : Zeus, un volontaire grec, est «au centre des trois incidents» selon le quotidien. C’est lui aussi qui a abattu le prisonnier russe blessé dans la tranchée selon Grosse.
Ryan O'Leary, le commandant «de facto» de l’Unité, a nié en bloc que ses subordonnés aient pu commettre des exactions. Seuls «ceux qui auraient pu riposter» ont été tués ou blessés, assure cet ancien soldat américain. Le prisonnier russe abattu dans la tranchée ? Cela n’a jamais eu lieu, a-t-il affirmé. La grenade lancée sur le soldat en train de se rendre ? «Le soldat russe et un autre qui se trouvait à proximité auraient pu représenter une menace», avance-t-il. Quant aux échanges écrits sur l’exécution de prisonniers de guerre russes, «ils servent surtout à se défouler».
«L’absence d’enquête est plus inquiétante que l’incident lui-même », regrette Rachel VanLandingham, ancienne avocate de l’armée de l’air, professeur à la Southwestern Law School. «L’absence de responsabilité commence par l’absence d’enquête», a-t-elle ajouté. Si l’armée ukrainienne est habilitée à enquêter sur ces accusations, dans le cas de ces «volontaires américains», la Département de la Justice des États-Unis l’est tout autant, souligne le New York Times.
La Chosen : une culture du crime de guerre ?
D’autant plus que les témoignages sur l’état d’esprit régnant dans l'unité en cause ne manquent pas. Un ancien membre de Chosen, Benjamin Reed, a ainsi déclaré dans une interview «avoir entendu d’innombrables conversations sur les exécutions de prisonniers de guerre lors de différentes opérations», relate le NYT. Reed a même confié que le recruteur de Chosen lui avait déclaré qu'il «était acceptable de tuer des prisonniers de guerre s'ils ne se rendaient pas conformément aux normes les plus strictes de la Convention de Genève».
«L'unité, composée de déserteurs, d'amateurs de sensations fortes et de soldats vieillissants, est devenue un centre de rassemblement pour les volontaires en quête de combat», avec une soixantaine d’hommes «originaires d'une douzaine de pays», et «souvent» employée comme «troupes de choc» afin de nettoyer des positions russes «malgré des tirs nourris et, parfois, de lourdes pertes».
Hiérarchiquement, la Chosen dépend de la 59e brigade d'infanterie motorisée ukrainienne. Si les officiers ukrainiens sont «techniquement responsables», ceux-ci «comme dans la plupart des unités étrangères» exercent «en grande partie des fonctions administratives». Interrogé sur le montage vidéo montrant Zeus lancer sa grenade contre un soldat russe en train de se rendre, un porte-parole de la 59e «n’a pas souhaité commenter».
Ces accusations rappellent des vidéos montrant l’exécution de soldats russes captifs des troupes ukrainiennes que le New York Times avait confirmées authentiques dès novembre 2022. Plusieurs responsables russes avaient alors réclamé l'ouverture d'une enquête, dénonçant la violation «systématique» des conventions de la guerre par Kiev et «la sauvagerie du régime actuel de Kiev». Des vidéos que l’ambassadrice itinérante des États-Unis pour la justice pénale mondiale avait refusé de condamner.