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Échanges commerciaux : le torchon brûle entre Alger et Bruxelles

La tension persiste entre l’Algérie et l’Union européenne, depuis qu’Alger a commencé en 2021 à imposer des mesures restrictives aux produits et investissements d'entreprises européennes. Des restrictions qui concernent notamment l’Espagne, en brouille avec Alger après le revirement de Madrid sur la question du Sahara occidental.

Dans un nouvel épisode de crispation entre l’Algérie et l’Europe, la Commission européenne a annoncé le 14 juin ouvrir un litige commercial avec l’Algérie «pour remédier à plusieurs restrictions imposées aux exportations et investissements de l'UE». En l'occurrence, des barrières commerciales imposée depuis 2021 aux biens et aux capitaux en provenance d'États de l’UE.

«L'objectif est d'engager un dialogue constructif en vue de lever les restrictions dans plusieurs secteurs allant des produits agricoles aux véhicules automobiles», a précisé l'organe exécutif européen dans son communiqué.

La Commission européenne accuse l’Algérie de ne pas respecter l’accord d’association la liant à l’UE, assurant que Bruxelles cherchera à trouver une «solution mutuellement satisfaisante» avec les autorités du pays nord-africain afin de résoudre ce différend, a indiqué l’institution. L’accord en question a été signé en 2002 et est entré en vigueur en 2005.

Les autorités algériennes n'ont pour l'heure pas réagi à cette annonce de Bruxelles. Invité au sommet du G7 qui se tient en Italie, le président algérien Abdelmadjid Tebboune n’a pas non plus émis de commentaires.

L’accord d’association UE-Algérie menacé ?

L’agence de presse espagnole EFE, citée par des médias algériens, précise qu’en cas d’échec de ces pourparlers, la prochaine étape consisterait à mettre en place un panel d’arbitrage, mais le litige commercial pourrait aboutir, en dernier recours, à la suspension de l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne.

Bruxelles dénonce en particulier «un système de licences d’importation ayant des effets équivalents à une interdiction d’importation, des subventions conditionnées à l’utilisation de pièces fabriquées localement pour les constructeurs automobiles et un plafond de la participation étrangère dans les entreprises important des biens en Algérie».

«Compte tenu des efforts infructueux pour résoudre la question à l’amiable, l’UE a pris cette initiative pour préserver les droits des entreprises et exportateurs européens exerçant en Algérie qui sont affectés», justifie la Commission européenne. «Les mesures algériennes nuisent également aux consommateurs algériens en raison d’un choix de produits indûment restreint», estime-t-elle encore. 

Des échanges commerciaux en berne

Ces dernières années, la valeur totale des exportations de l'UE vers l'Algérie a régulièrement régressé, passant de 22,3 milliards d'euros en 2015 à 14,9 milliards d'euros en 2023, selon des chiffres communiqués par la Commission européenne, qui tient à souligner que l'UE reste «le plus grand partenaire de l'Algérie» et pesait environ 50,6% du commerce international du pays en 2023.

Cette contraction des échanges entre l'Algérie et les Europe affecte en particulier l’Espagne, notamment après le revirement de Madrid sur le dossier du Sahara occidental pour s’aligner sur la position du Maroc. Ainsi, les exportations espagnoles vers l'Algérie ont sensiblement baissé depuis la décision des autorités algériennes, le 8 juin 2022, de suspendre le traité d'amitié et toutes les opérations commerciales entre les deux pays, à l'exception des approvisionnements en gaz.

Selon les données publiées par le ministère espagnol du Commerce sur son site internet, les pertes étaient estimées à 630 millions d'euros, rien que pour la période allant de juin à octobre 2022, la valeur des exportations ayant chuté de 784,9 millions d'euros à 155 millions d'euros en l’espace d’une année.

Crise diplomatique entre Alger et Madrid

Les deux pays entretenaient de bonnes relations commerciales et diplomatiques jusqu’en mars 2022, lorsque l’Algérie a décidé de rappeler son ambassadeur à Madrid en guise de protestation contre la volte-face de l’Espagne sur la question du Sahara occidental.

Ce changement radical de position a exacerbé les tensions entre les deux pays, notamment en mars 2023, lorsque le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez avait apporté son soutien officiel au plan marocain d’autonomie du Sahara Occidental.

La tension est encore montée d’un cran en juin 2023, après que la Présidence algérienne ait décidé «de suspendre immédiatement le traité d’amitié liant les deux pays». Les échanges commerciaux entre l’Algérie et l’Espagne connaissent depuis le début de cette crise diplomatique un déséquilibre sans précédent.