Les manifestations propalestiniennes bientôt illégales aux États-Unis ? Le 1er mai, la Chambre des représentants du Congrès des États-Unis a adopté à 320 voix contre 91 (70 démocrates et 21 républicains) un projet de loi «sur la sensibilisation à l'antisémitisme».
Celui-ci propose d’élargir la définition de l’antisémitisme en vigueur aux États-Unis, à travers le Civil Rights Act de 1964, à celle adoptée en mai 2016 par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA).
Selon cette dernière, l’antisémitisme «est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte.»
«Identifier clairement les essences de l’antisémitisme»
«Codifier une définition unique de l’antisémitisme aiderait le ministère de l’Éducation et les administrateurs scolaires – qui ont été irresponsables –, à identifier clairement les essences de l’antisémitisme et à protéger la sécurité de tous les étudiants, y compris les étudiants juifs», a défendu le représentant républicain de New York, Mike Lawler, à l’origine du projet de loi.
Des déclarations qui font écho à l’actualité aux États-Unis, où une vague de manifestation contre la guerre à Gaza, partie de l’université new-yorkaise de Columbia, a touché ces deux dernières semaines une quarantaine de campus à travers le pays.
«À la suite des manifestations anti-israéliennes à l’université de Columbia et dans d’autres collèges et universités du pays, la sécurité des étudiants juifs est devenue une préoccupation majeure», a-t-il déclaré dans un communiqué, estimant que le recours à la définition de l’IHRA était «une étape clé pour dénoncer l’antisémitisme là où il existe et garantir que les crimes de haine antisémite sur les campus universitaires fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites appropriées».
Un projet de loi «anticonstitutionnel» et «mal conçu», dénoncent les opposants
Pour les détracteurs du texte de loi, la liberté d’expression promue par le 1er amendement de la constitution des États-Unis est menacée.
«La définition de l’antisémitisme n’apparaît nulle part dans le projet de loi», s’est insurgé sur X (ex-Twitter) le républicain Thomas Messie, déclarant qu’il fallait se rendre sur le site de l’IHRA pour la trouver. Par ailleurs, l’organisation intergouvernementale liste des «exemples contemporains» d’antisémitisme, tels que «le reproche fait aux citoyens juifs de servir davantage Israël ou les priorités supposés des Juifs à l’échelle mondiale que les intérêts de leur propre pays», repostés par le représentant du Kentucky.
«Ces exemples font-ils également partie de la loi ?», a-t-il lancé. «Les Américains devraient-ils être poursuivis pour avoir tenu ces propos dans tous les contextes ? Je crois que non», a-t-il conclu, annonçant qu’il voterait contre un texte à ses yeux «anticonstitutionnel» et «mal conçu».
Même son de cloche du côté du représentant républicain Matt Gaetz et de son homologue démocrate Jerry Nadler. Le premier a dénoncé un texte de loi «rédigé sans égard à la Constitution, au bon sens ou même à la compréhension commune du sens des mots». Le second a estimé qu’«en englobant le discours purement politique sur Israël dans le cadre du Titre VI», le projet de loi allait «trop loin».
Dans une lettre adressée le 26 avril aux représentants, l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) avait exhorté ces derniers à voter contre le texte, déclarant que les discriminations antisémites tombaient déjà sous le coup de la loi fédérale.
Le projet de loi «n’est donc pas nécessaire pour protéger contre la discrimination antisémite», a déclaré l’ACLU, estimant que ce texte risquait «de freiner la liberté d’expression des étudiants sur les campus universitaires en assimilant à tort la critique du gouvernement israélien à l’antisémitisme». Pour devenir loi, le texte doit encore recevoir le feu vert du Sénat.