Lever le camp ou ne pas être diplômé : tel est l’ultimatum lancé le 29 avril par la direction de l’université de Columbia, épicentre d’un mouvement de manifestations propalestiniennes sur les campus américains.
«Les étudiants qui ont accepté de quitter et de signer un formulaire s'engageant à respecter les politiques de l'Université seront autorisés à terminer le semestre», a annoncé à la presse le vice-président chargé de la communication de Columbia, Ben Chang, mettant en avant la «sécurité» du campus. «Les étudiants qui ne le feront pas seront suspendus, inéligibles pour terminer le semestre ou obtenir leur diplôme, et seront interdits d'accès à tous les espaces académiques, résidentiels et récréatifs», a poursuivi le porte-parole.
Quelques heures plus tôt, la présidente de Columbia, Minouche Shafik, avait lancé un ultimatum expirant en fin de journée. Estimant que «les droits d'un groupe à exprimer ses opinions ne peuvent se faire au détriment du droit d'un autre groupe à parler, à enseigner et à apprendre», celle-ci a exhorté les occupants du campement installé sur la pelouse à partir. Cet ultimatum survient après l'échec de négociations, ayant eu lieu durant cinq jours, afin d’aboutir à une solution à l'amiable.
«Nous ne serons pas délogés, sauf par la force», avertissent les étudiants protestataires
Dans son communiqué, Minouche Shafik a notamment souligné les troubles occasionnés par «des manifestations bruyantes la nuit» aux étudiants vivant sur le campus, ainsi que la nécessité de protéger «chaque membre de notre communauté contre le harcèlement et la discrimination». «Les propos et actions antisémites sont inacceptables et les appels à la violence sont tout simplement odieux», a-t-elle également dénoncé.
Les protestataires, qui exigeaient de la direction de leur établissement qu’elle coupe les ponts avec les mécènes et entités liés à Israël en réponse à l’intervention militaire menée par l’État hébreu dans la bande de Gaza, avaient alors appelé à «protéger le campement». «Nous ne serons pas délogés, sauf par la force», a lancé lors d'un point de presse Sueda Polat, une dirigeante étudiante du mouvement, dénonçant «une tactique pour faire peur qui ne signifie rien face à la mort de plus de 34 000 Palestiniens».
L’Université avait assuré le 26 avril qu'elle ne ferait pas appel à la police afin d’évacuer les tentes. Cet ultimatum lancé le 29 avril équivaut à «céder aux pressions politiques externes», a estimé auprès de l’AFP Joseph Howley, professeur à Columbia.
Le mouvement de protestation, qui gagne peu à peu l’ensemble des campus des États-Unis, est parti de Columbia où une centaine de personnes avaient été interpellées le 18 avril. Depuis, des centaines d'autres étudiants, ainsi que des enseignants et des militants, ont été brièvement interpellés, parfois poursuivis en justice dans plusieurs universités du pays. Les images de policiers antiémeute intervenant sur les campus, à la demande des universités, ont fait le tour du monde, rappelant des événements similaires aux États-Unis lors de la guerre du Vietnam.
Des manifestations dénoncées par le Premier ministre israélien
Depuis Israël, dans une vidéo publiée le 24 avril, le Premier ministre Benjamin Netanyahou avait fustigé des «gangs antisémites» ayant «pris le contrôle d'universités américaines». «Tout cela rappelle les années 1930 en l'Allemagne», avait-il estimé. «Ils ne disent pas seulement mort à Israël, mais aussi mort aux Juifs et mort à l'Amérique, c'est intolérable, il faut que cela cesse », avait enchéri le responsable politique israélien.
Aux États-Unis, des élus se sont également dressés contre ces manifestations, à l’instar de la républicaine Elise Stefanik. Dans une lettre adressée le 23 avril aux secrétaires d’État à l’Éducation, à la Sécurité intérieure et à la Justice, cette représentante de l’État de New York exigeait l’arrêt des financements fédéraux à l’université de Columbia ainsi que l'expulsion des étudiants internationaux ayant pris part aux manifestations.
Le conflit entre le Hamas et Israël a été déclenché par l'attaque sans précédent du 7 octobre sur le sol israélien par des commandos du Hamas qui a entraîné la mort de près de 1 200 personnes, essentiellement des civils, selon les autorités israéliennes. En représailles, l’État hébreu a promis de détruire le Hamas, et sa vaste opération militaire dans la bande de Gaza a fait 34 488 morts, majoritairement des civils, selon le mouvement palestinien.