«Aujourd'hui, la majeure partie de notre matériel est détruit par des drones de combat russes», a regretté dans une interview à Ukrainskaïa Pravda diffusée le 26 décembre sur YouTube Maria Berlinskaïa, responsable du projet ukrainien «Les drones de la victoire» et du centre de soutien de renseignement aérien. «Si nous n'anticipions pas dès maintenant, nous serons contraints de céder des dizaines de kilomètres de terrain», a-t-elle ajouté.
Sur le front et à l'arrière, les drones sont dans tous les esprits. Silencieux, ils sont redoutables. Les images circulant sur internet ou diffusées par les belligérants attestent de leur efficacité. Maria Berlinskaïa a relevé le manque de moyens des troupes ukrainiennes pour les contrer.
Zelensky veut «un million de drones»
Le 19 décembre, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé en conférence de presse la construction en 2024 d'«un million de drones» à caméra embarquée (dits FPV pour «first person view»). «Ils n’y arriveront pas», commente au micro de RT Xavier Moreau, fondateur du think tank StratPol, soulignant que «les Russes sont supérieurs dans pas mal de domaines, d’abord celui de la production», notamment «industrielle». Une base industrielle d'autant plus cruciale que, toujours selon lui, «la Chine a interdit l’exportation de drones vers la Russie ou l’Ukraine».
Maria Berlinskaïa a souligné que la production de drones était importante en Russie car le président Poutine «y veillait personnellement», appelant implicitement Volodymyr Zelensky à suivre son exemple et à «prendre rapidement le contrôle du développement des technologies» avec le concours d'ingénieurs.
Maria Berlinskaïa a relevé le manque de moyens des troupes ukrainiennes pour les contrer. Les fusils anti-drones manquent aux troupes de Kiev. Mais la menace ne provient pas que des drones FPV.
En Russie, environ 70 entreprises russes fabriquent déjà des systèmes d'aéronefs sans pilote selon RIA, dont une vingtaine sont de grande taille. Les autorités russes prévoyaient en août dernier de produire environ 18 000 drones de grande et moyenne taille, selon le vice-Premier ministre russe Andrei Belousov.
Le Lancet, un champion russe
Le 7 août, le président russe avait en effet demandé à l'entreprise Rostech d'augmenter les cadences de production des drones kamikazes «Cube» et «Lancet», atouts majeurs dans l'arsenal russe.
Vladimir Poutine avait salué leurs performances, en pleine contre-offensive estivale ukrainienne : «La frappe est puissante donc n'importe quel engin, y compris ceux de fabrication étrangère, ne va pas seulement brûler, mais exploser avec ses munitions.» «Le Lancet est l’exemple type de la domination russe», renchérit Xavier Moreau, le qualifiant de «véritable percée technologique».
À cela faut-il ajouter d'autres drones kamikazes. Depuis 2022, Kiev accuse Téhéran d'avoir livré des drones Shahed à Moscou, une affirmation contestée par l'Iran et la Russie. En novembre dernier, le ministre iranien des Affaires étrangères a toutefois déclaré que son pays avait livré quelques exemplaires à son allié avant 2022. Du reste, les drones Geran russes ressemblent, selon ses détracteurs, à ceux produits par l'Iran. Leur coût est en tout cas dérisoire : 20 000 dollars environ.
En janvier dernier, le New York Times tirait la sonnette d'alarme sur les coûts d'interception de tels drone, autrement plus élevés que le drone lui-même : quand un drone russe coûtait 20 000 dollars, le missile ukrainien S 300 sol-air nécessaire à son interception pouvait atteindre 140 000 dollars et le système anti-aérien Nasam jusqu'à 500 000.
Les drones ne peuvent suffire
Xavier Moreau indique de surcroît que l’électronique du Lancet a été «durcie» et que les systèmes de brouillage ukrainiens sont désormais insuffisants pour en venir à bout. L'expert a noté au passage la supériorité de la guerre électronique russe avant même l’opération militaire en Ukraine. Selon lui, la Russie a bénéficié d'un avantage sur ce terrain, les alliés de Kiev, à savoir les armées de l’OTAN, n’étant «pas préparées à des guerres électroniques, mais à des guerres dans des pays en développement».
Les Russes, quant à eux, ont rapidement développé une expérience des drones, comme l'explique Xavier Moreau : en Syrie, bien sûr, mais aussi en les observant lors du conflit dans le Haut-Karabagh. Des expériences permettant de découvrir l'efficacité des drones, mais aussi leurs limites. Tandis que Kiev a investi dans le Bayraktar turc, utilisé par l'Azerbaïdjan pour vaincre l'Arménie dans le Karabagh, la Russie a selon lui paré au problème : «[Le Bayraktar] ne peut marcher sur le front ukrainien car il coûte 5 millions de dollars pièce.» Et l'analyste de conclure : «Les Ukrainiens sont dans la pensée magique : ils pensent qu’une arme peut changer le cours de la guerre. Ils ont des problèmes de munitions, ils pensent pouvoir les compenser avec des drones, c’est faux. Il existe un système de bataille : quand il manque quelque chose, il faut le compléter».