Dans un article intitulé «Le plan pour éradiquer le Hamas» publié le 15 octobre sur son site, le journaliste américain Seymour Hersh, citant des «sources internes israéliennes», a exposé l’enchaînement prévu par le commandement militaire de Tsahal, alors que l'offensive terrestre dans la bande de Gaza menace d'advenir à tout instant. Une opération en zone urbaine qui pourrait virer au désastre pour l'Etat hébreu.
Tsahal confronté à un manque d'expérience de combat
«Le problème majeur pour les planificateurs de guerre israéliens est leur réticence, malgré la mobilisation de plus de 300 000 réservistes, à s’engager dans une bataille de rue et au porte-à-porte avec le Hamas dans la ville de Gaza», résume ainsi le journaliste. Et celui-ci d'expliquer, citant un vétéran de Tsahal, que l'état-major «ne fait pas confiance à ses troupes terrestres» : non en raison d'un manque de volonté de se battre, mais d'«un désastreux manque d’expérience de combat». En effet, depuis plus d’une décennie, les soldats ont été cantonnés dans la protection de petites colonies de Cisjordanie.
Près de dix jours après l'attaque du Hamas et le début des bombardements de représailles israéliens, l'auteur regrette l'absence d'efforts pour «minimiser les victimes civiles» et fustige le «mépris israélien pour le bien-être des citoyens de Gaza», enjoints de quitter le nord de la bande sans garantie de franchir le passage de Rafah pour se réfugier en Egypte. Les sources du reporter indiquent néanmoins une étape cruciale pour la phase de bombardements qui devrait suivre. «L’aviation doit détruire les structures encore existantes dans la ville de Gaza et ailleurs dans le nord. La ville de Gaza ne sera plus», prophétise-t-il.
Tsahal larguera selon lui des «casseurs de bunker» (ou JDAM, pour Joint Direct Attack Munition), des bombes américaines de deux tonnes pouvant «pénétrer plus profondément avant d’exploser, jusqu’à 30 ou 50 mètres sous terre», anéantissant «tout dans un périmètre de 800 mètres». Toujours d’après Seymour Hersh, l'infanterie de Tsahal serait ensuite chargée de ratisser les décombres pour «traquer et tuer les combattants et employés du Hamas qui auraient survécu aux bombardements».
Le piège de la guérilla urbaine
«A l’état-major, tout le monde n’est pas d’avis que tout se passera bien après les attaques de JDAM, si celles-ci ont bien lieu», relate Seymour Hersh. Mal entraînés et évoluant dans un environnement où l’ennemi peut aisément se cacher, les soldats de Tsahal pourraient en effet accuser de lourdes pertes lors de l’offensive, toujours selon celui-ci. Le journaliste soupçonne d’ailleurs le Hamas d’avoir «anticipé parfaitement la réaction israélienne».
Selon un ancien officier européen du renseignement cité par Seymour Hersh, «une ville en ruines est toujours dangereuse». Il souligne que l’emploi d'armes aussi dévastatrices que les JDAMS serait «la réaction de dirigeants qui ont été submergés». «La guérilla urbaine est horrible», conclut le journaliste.
Tractations avec l'Egypte
L'opération israélienne dépend des âpres négociations engagées entre les acteurs régionaux pour tenter de sauver le million de déplacés palestiniens. L'Egypte, craignant à la fois l'afflux mais aussi la venue du Hamas sur son sol, refuse toujours d'ouvrir le poste-frontière de Rafah.
Selon Seymour Hersh, qui cite d'autres sources israéliennes, «Israël aurait tenté de convaincre le Qatar, soutien financier du Hamas depuis longtemps, d’apporter sa contribution financière afin de financer un village de tentes capable d’accueillir le million de réfugiés attendant de l’autre côté de la frontière». Les Etats-Unis, toujours selon le journaliste, pourraient utiliser dans leurs négociations un scandale de corruption ayant impliqué récemment le sénateur démocrate du New Jersey Robert Menendez et sa femme, mêlant de hauts responsables égyptiens.
Le journaliste Seymour Hersh, prix Pulitzer en 1970 pour avoir révélé le massacre de My Laï, qui a vu une unité américaine tuer entre 350 et 500 civils durant la guerre du Vietnam, est un habitué des révélations allant à l’encontre du politiquement correct en Occident. Début février, il avait mis en ligne un article accusant de hauts responsables américains d’être derrière la destruction des gazoducs Nord Stream 1 et 2 quelques mois plus tôt.