Promettant des institutions plus démocratiques au Gabon, le général Brice Oligui Nguema a ciblé le 1er septembre «la corruption» de l'ancien dirigeant Ali Bongo, dont la famille dirigeait ce petit Etat d'Afrique centrale riche de son pétrole depuis plus de 55 ans.
Lors de rencontres menées à un rythme effréné avec «les forces vives de la Nation», des partis, le corps diplomatique, les organisations internationales et les bailleurs de fonds, il a insisté sur le fait qu'il voulait rassurer à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.
Mais en promettant une nouvelle Constitution et un nouveau code électoral, le nouvel homme fort du Gabon, qui doit prêter serment en tant que «président de la transition» le 4 septembre, a fermé la porte aux principaux partis de l'ancienne opposition qui l'exhortaient à rendre le pouvoir aux civils en le confiant à Albert Ondo Ossa, arrivé deuxième à la présidentielle du 26 août, qu'elle considère comme frauduleuse.
L'armée dit avoir perpétré son putsch le 30 août parce que les résultats proclamant la réélection du président Bongo avaient été truqués et que son régime était marqué par une «gouvernance irresponsable et imprévisible» ainsi que par la corruption.
Le général avait convié le 1er septembre le corps diplomatique et les organisations internationales, mais les pays, occidentaux et africains notamment, qui avaient condamné le coup d'Etat n'ont pas dépêché leurs ambassadeurs mais des diplomates de rang inférieur, ont témoigné pour l'AFP des participants.
Les activités de quelque 400 soldats français, stationnés en permanence au Gabon, dans le cadre de la coopération militaire bilatérale, ont été suspendues «en attendant que la situation politique se clarifie», a déclaré le ministre français des Armées Sébastien Lecornu, dans un entretien au journal français Le Figaro publié le 1er septembre.
«La sincérité des élections» remise en cause
Sébastien Lecornu a voulu différencier les coups d'Etat au Gabon et au Niger. «La France condamne tous les coups de force [...] Pour autant, nous ne pouvons pas mettre sur le même plan la situation au Niger, où des militaires illégitimes ont destitué un président légitimement élu, et celle du Gabon, où le mobile avancé par les militaires est précisément le non-respect de la loi électorale et de la Constitution. Car de fait, et, je pèse mes mots, il existe des doutes sur la sincérité des élections dans ce pays», a souligné le ministre français.
Le leader du putsch a affirmé que la dissolution des institutions était «temporaire», assurant qu'il s'agissait d'en faire «des outils plus démocratiques», notamment en «matière de respect des droits humains, des libertés fondamentales, de la démocratie et de l'Etat de droit mais aussi de la lutte contre la corruption qui est devenue monnaie courante dans notre pays».
Devant la société civile, le général Oligui, chef de la toute-puissante garde prétorienne de la famille Bongo, a ensuite promis une nouvelle Constitution, et un nouveau code électoral, mais sans «confondre vitesse et précipitation». «Qui va lentement, va sûrement», a-t-il asséné.
Ali Bongo est en résidence surveillée à Libreville depuis le coup d'Etat. Sylvia Bongo, son épouse franco-gabonaise, est également détenue au secret, ont indiqué ses avocats le 1er septembre en annonçant avoir déposé une plainte en France pour détention arbitraire.
Lors d'un discours le 31 août, retransmis le lendemain par les télévisions d'Etat, le général Oligui a sermonné plus de 200 chefs d'entreprises gabonaises en accusant certains d'avoir participé à la corruption. Il les a menacés de poursuites en accusant bon nombre d'entre eux d'avoir alimenté la corruption au sommet du pouvoir.
Le regard noir, il leur a reproché un manque de «patriotisme», les a sommés de «se remettre en cause» et de «stopper» la pratique répandue de la «surfacturation» dans les contrats avec l'Etat, donnant lieu à des rétrocommissions à de hauts responsables.
Des «milliards de francs CFA»
Au même moment, les télévisions publiques diffusaient des images de l'un des fils du président déchu, Noureddin Bongo Valentin, et d'autres jeunes proches de lui «et de la Première dame», hauts responsables du cabinet de Bongo, tous arrêtés le jour du putsch. Ils étaient montrés devant des malles, cartons et sacs débordant de liasses de billets de banque pour des «milliards de francs CFA» (millions d'euros).
Les putschistes les accusent – Noureddin Bongo inclus – de «haute trahison», «détournements massifs de deniers publics» et «falsification de la signature» du chef de l'Etat.
Ali Bongo avait été élu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait le pays depuis plus de 41 ans et constituait l'un des piliers de la «Françafrique», puis réélu difficilement en 2016, dans un scrutin que l'opposition dénonçait déjà comme truqué.