Le commandant en chef de la Garde républicaine, l'unité d'élite de l'armée du Gabon, le général Brice Oligui Nguema, a été nommé «président de la transition» par les militaires putschistes dans un communiqué lu à l'antenne de la télévision Gabon 24, le 30 août en fin de journée.
«Le général Oligui Nguema Brice a été désigné à l'unanimité président du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions, président de la transition», a déclaré un officier en présence de dizaines d'officiers supérieurs et généraux, qui représentent tous les corps de l'armée gabonaise, selon le communiqué. La durée de la transition des militaires au pouvoir n'a pas été précisée.
Un putsch le 29 août au soir
Les militaires ont annoncé le 29 août au soir mettre «fin au régime en place» au Gabon, où les résultats officiels de la présidentielle du 26 août venaient tout juste de consacrer la victoire du président Ali Bongo, au pouvoir depuis 14 ans.
Juste après l'annonce officielle de la victoire de Bongo avec 64,27% des voix dans la nuit du 29 au 30 août, un groupe d'une douzaine de militaires est apparu sur les écrans de la chaîne de télévision Gabon 24, abritée au sein même de la présidence.
«Nous, forces de défense et de sécurité, réunies au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), au nom du peuple gabonais et garant de la protection des institutions, avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place», a annoncé un de ces militaires, un colonel de l'armée régulière, dans une déclaration qui a par la suite également été diffusée sur la chaîne d'Etat Gabon 1ère.
Annulation des élections
«A cet effet, les élections générales du 26 août 2023 ainsi que les résultats tronqués sont annulés», a-t-il ajouté.
Parmi les militaires figuraient des membres de la garde républicaine (GR), unité d'élite et garde prétorienne de la présidence reconnaissable à ses bérets verts, ainsi que des soldats de l'armée régulière et des policiers. Parmi les quatre officiers supérieurs au premier rang, deux étaient des colonels de la GR et deux des colonels de l'armée régulière.
Bongo en résidence surveillée
Le président du Gabon Ali Bongo Ondimba est «en résidence surveillée» entouré de sa famille et de ses médecins et l'un de ses fils a été arrêté, notamment pour «haute trahison», ont annoncé plus tard dans la matinée les militaires auteurs d'un coup d'Etat.
Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, Bongo a appelé «tous» ses «amis» à «faire du bruit». On l'y voit, sans pouvoir déterminer le moment où la vidéo a été tournée, assis dans un fauteuil, et il assure être dans sa «résidence».
Manifestement inquiet, il dit en anglais: «Je suis Ali Bongo Ondimba, président du Gabon», «j'envoie un message à tous nos amis dans le monde entier pour leur dire de faire du bruit" à propos «des gens qui m'ont arrêté, moi et ma famille", dit en anglais.
«Mon fils est quelque part, ma femme est dans un autre endroit, et moi je suis à la résidence et rien ne se passe, je ne sais pas ce qui se passe», poursuit Bongo «Je vous appelle pour faire du bruit», répète-t-il trois fois.
Ce coup de force intervient en plein couvre-feu et alors que l'internet est coupé dans tout le pays, deux mesures décrétées par le gouvernement samedi avant la fermeture des bureaux de vote afin de parer selon lui à la diffusion «de fausses nouvelles» et à d'éventuelles «violences».
Peu après la lecture de la déclaration des militaires, des journalistes de l'AFP ont entendu des tirs d'armes automatiques dans plusieurs quartiers de Libreville.
Toutes les institutions dissoutes
Les militaires ont estimé que l'organisation des élections n'avait «pas rempli les conditions d'un scrutin transparent, crédible et inclusif tant espéré par les Gabonaises et les Gabonais». Ils ont dénoncé «une gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale, risquant de conduire le pays au chaos».
«Toutes les institutions de la République sont dissoutes, notamment le gouvernement, le Sénat, l'Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle, le Conseil économique, social et environnemental, le Centre gabonais des élections», et les frontières du Gabon resteront «fermées jusqu'à nouvel ordre», ont encore annoncé les auteurs du coup de force.
Bongo, 64 ans, a été élu en 2009 après la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui avait dirigé pendant plus de 41 ans ce petit Etat d’Afrique centrale riche de son pétrole. L'opposition a régulièrement dénoncé la perpétuation d'une «dynastie Bongo» de plus de 55 ans à ce jour.
Ali Bongo briguait un troisième mandat, réduit de 7 à 5 ans, aux élections de samedi qui regroupaient trois scrutins, présidentiel, législatifs et municipaux, tous sur un seul tour.
Quelques instants avant l'irruption des militaires sur les écrans, les résultats officiels des élections avaient été égrenés en plein milieu de la nuit, à 03H30 (02H30 GMT), sur la télévision d'Etat sans qu'aucune annonce de l'événement n'ait été faite préalablement.
Selon ces résultats, le principal rival d'Ali Bongo, Albert Ondo Ossa, n'a recueilli que 30,77% des voix à la présidentielle, et les douze autres candidats n'ont décroché que des miettes.
Albert Ondo Ossa avait dénoncé des «fraudes orchestrées par le camp Bongo» deux heures avant la clôture du scrutin samedi, et revendiquait alors déjà la victoire. Le 29 août, son camp exhorté Ali Bongo à «organiser, sans effusion de sang, la passation du pouvoir» sur la base d'un comptage effectué par ses propres scrutateurs mais sans produire de document à l'appui.
Ondo Ossa, 69 ans, avait été choisi seulement huit jours avant le scrutin par la principale plateforme des partis de l'opposition, Alternance 2023, au terme d'une âpre lutte entre six prétendants. Ce qui n'avait laissé que six jours à ce professeur agrégé d'économie à l'université de Libreville, et ancien ministre d'Omar Bongo, pour faire campagne.