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Ukraine : selon une ONG, «la mollesse de la contre-offensive mine le moral des gens»

En Ukraine, l'enthousiasme soulevé par la perspective d'une contre-offensive triomphale a peu à peu laissé place au découragement, selon The Economist. Un constat amer partagé outre-Atlantique par des analystes militaires et des anciens haut-gradés.

Les Ukrainiens auraient du vague à l'âme, face aux contre-performances de leur armée. «La mollesse de la contre-offensive mine le moral des gens», a regretté Anastasia Zamoula dans un entretien à The Economist publié le 20 août.

Co-fondatrice de CVit (Blossom), une organisation de femmes qui apporte un soutien logistique aux unités ukrainiennes sur le front, elle constate avec amertume la chute des financements des donateurs à mesure que la contre-offensive s'enlise.

«Beaucoup de jeunes Ukrainiens portent le fardeau de la guerre dont on ne voit pas la fin», souligne par ailleurs Anastasia Zamoula, toujours selon la même source. «Les volontaires étant déjà tous partis au front, il ne reste donc plus que ceux qui y sont contraints», explique-t-elle. Or, selon la responsable associative, «tout le monde sait que le terrain se reconquiert au prix de soldats morts, donc «le fait même d'espérer un succès de la contre-offensive est autodestructeur», conclut-elle.

Melitopol hors de portée pour les Ukrainiens ?

Même son de cloche dans les médias français, bien qu’auprès de France Info, Tetyana Ogarkavoa, journaliste et responsable du département international à l'ONG Ukraine Crisis Media Center préfère l’emploi des termes de «fatigue et usure» à celui de «pessimisme».

«Il y avait l'espoir que vers la fin de l'été, on serait déjà à Melitopol, tout près de la Crimée, que des territoires allaient être libérés, comme on a vu pendant l'opération Kharkiv», confie-t-elle au média d'Etat. Avant de poursuivre : «Mais l'ennemi s'est bien préparé et on voit tous que ça avance lentement, donc c'est une certaine fatigue et usure.»

Côté américain, certains se montrent plus pessimistes encore. A en croire le Washington Post, le renseignement estime que l’armée ukrainienne n’atteindra même pas cette ville située à 80 kilomètres du front et désignée comme la «porte» de la Crimée. «Même la reconquête de villes plus proches, comme Tokmak, sera difficile, a déclaré Rob Lee, analyste militaire au Foreign Policy Research Institute», relatait le média américain le 17 août.

Le 20 août sur CNN, le général en retraite James A. Marks avançait du bout des lèvres qu'il était difficile de dire que la contre-offensive pourrait «ne pas réussir, mais c'est une affirmation exacte, ou du moins cela comporte une part de vérité».

«Les Ukrainiens n'ont pas retenu la leçon du début de la guerre»

Evoquant les attaques du pont de Crimée et de Moscou au moyen de drones, James A. Marks les considérait comme des «actions coup de poing ne permettant pas de gagner l'avantage», concluant qu'elles ne servaient qu'à «détourner l'attention». Et l'officier américain de recommander aux Ukrainiens «de se concentrer sur un ou deux objectifs bien précis pour obtenir un succès tactique immédiat et l'exploiter.»

Rappelant que «les Russes sont en position défensive» et que l'attaque dans ce cas de figure nécessite un avantage numérique «de un contre trois», l'analyste militaire a jugé que ce n'était «probablement pas le cas des Ukrainiens», d'autant plus face à des Russes qui jouissent d'une «profondeur défensive acquise pendant les cinq mois précédents».

En outre, le stratège a comparé la position actuelle des Ukrainiens avec celle des Russes «lors de l'invasion de février 2022», quand «ils avaient des axes d'attaque multiples» les rendant plus faciles à contrer. «Je déteste d'avoir à le dire, a conclu le général, mais les Ukrainiens semblent ne pas avoir retenu cette leçon».

Contre-offensive : aucun succès décisif pour Kiev en près de trois mois

«J’avais dit il y a quelques mois que cette offensive allait être longue, qu’elle allait être sanglante et qu’elle allait être lente», a déclaré au Washington Post le chef d'état-major des armées des États-Unis, le général Mark A. Milley, estimant qu’il faudrait encore fournir «un niveau d'effort considérable» si l’Ukraine souhaitait atteindre ses objectifs. «Et c'est exactement ce que c'est : long, sanglant et lent, et c'est un combat très, très difficile.»

Des objectifs que Kiev s’obstine à maintenir. «Notre objectif est la victoire, la victoire sous la forme de la libération de nos territoires à l'intérieur des frontières de 1991. Et peu importe le temps que cela prendra», déclarait à l’AFP, la veille de l’interview du général Milley, le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba.

Début juin débutait la contre-offensive ukrainienne. Deux mois plus tard, les gains territoriaux et militaires de Kiev sont presque inexistants. Le 21 août, Ganna Maliar, vice-ministre de la Défense, a déclaré à la télévision ukrainienne que les forces de Kiev avaient récupéré en une semaine de combats 3 km² dans le secteur de Bakhmout. Une annonce en tous points similaire à celle qu'elle avait faite la semaine précédente.

Kiev se repose toujours davantage sur l’arrivée de nouvelles aides et de nouveaux matériels en provenance d’Europe et des Etats Unis, tandis que selon un sondage pour CNN, l'opinion publique américaine est de plus en réfractaire à sortir le chéquier.