Des affrontements entre deux influents groupes armés à Tripoli ont fait ces derniers jours 55 morts et 146 blessés, selon Malek Mersit, porte-parole du Centre Médical d'Urgence, à la chaîne Libya al-Ahrar. Ce sont les pires combats depuis un an dans la capitale, entre la «Brigade 444» et la «Force al-Raada», deux importants groupes armés de l'Ouest libyen.
Selon la même source, 234 familles ont pu être secourues et extraites de zones de combats au sud de la capitale, ainsi que plusieurs dizaines de médecins ou infirmiers étrangers, bloqués sur place.
Trois hôpitaux de campagne et une soixantaine d'ambulances ont été mobilisés pour secourir les blessés et évacuer les civils vers des zones plus sûres. Les vols ont dû être suspendus à l'aéroport de Mitiga, seul aéroport civil dans la capitale, et les avions évacués provisoirement du tarmac.
Les combats ont démarré après l'arrestation le 14 août du colonel Mahmoud Hamza, commandant de la Brigade 444, par la Force al-Radaa. Aucune information n'a été donnée sur les raisons de son arrestation.
Un cessez-le-feu adopté
Tard le lendemain, le «conseil social», formé de notables et de personnalités influentes de Soug el-Joumaa, secteur du sud-est de Tripoli et fief de la Force al-Radaa, a annoncé être parvenu à un accord avec le chef du gouvernement siégeant à Tripoli, Abdelhamid Dbeibah, pour transférer le colonel Mahmoud Hamza à une «partie neutre», sans la nommer.
Dans un communiqué lu à la télévision par son doyen, ce conseil a indiqué qu'une désescalade et un cessez-le-feu suivraient cette mesure, ce qui a permis un retour au calme dans la nuit du 15 au 16 août à Tripoli.
Les combats à l'arme lourde et à l'arme automatique avaient éclaté la veille et se sont poursuivis jusqu'au 15 août en soirée entre la Brigade 444 et la Force al-Radaa, dans plusieurs secteurs des banlieues sud-est de la capitale libyenne avec des tirs aveugles qui ont touché des zones habitées.
Ces deux groupes sont parmi les plus influents à Tripoli, où siège l'un des deux gouvernements qui se disputent le pouvoir dans un pays miné, depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, par des divisions alimentées par la prolifération de groupes armés aux allégeances mouvantes.
Le Premier ministre a constaté l'ampleur des dégâts
Accompagné de son ministre de l'Intérieur, Imed Trabelsi, le Premier ministre, Abdelhamid Dbeibah, s'est rendu dans la nuit à Ain Zara, l'un des secteurs du sud-est de Tripoli les plus touchés par les affrontements.
Sillonnant à pied les rues plongées dans l'obscurité de ce quartier densément peuplé, le Premier ministre a «constaté l'ampleur des dégâts» avant de donner des instructions pour que soient recensés les «dégâts matériels afin de dédommager les citoyens», selon le centre média du gouvernement sur Facebook.
De son côté, le ministère de l'Intérieur a mis en place un dispositif de sécurité pour superviser le cessez-le-feu et déployer des forces dans les secteurs les plus tendus de la ville. Les vols commerciaux, déviés vers Misrata, à 200 km plus à l'est, n'avaient toujours pas repris ce 16 août au matin à Tripoli.
La Libye, brisée par l'intervention occidentale de 2011
La Libye tente de s'extraire de plus d'une décennie de chaos depuis l'intervention occidentale pour renverser Mouammar Kadhafi en 2011. Le pays est toujours miné par les divisions et les ingérences étrangères.
Deux gouvernements s'y disputent le pouvoir depuis plus d'un an : l'un installé à Tripoli (ouest), dirigé par Abdelhamid Dbeibah et reconnu par l'ONU, l'autre dans l'est du pays, soutenu par le puissant maréchal Khalifa Haftar.
Le 15 août, la mission de l'ONU en Libye a dit, dans un communiqué, «suivre avec inquiétude» les événements et «leur impact sur les civils», appelant à une «désescalade immédiate», au «dialogue» et à «préserver les progrès accomplis sur le plan de la sécurité ces dernières années».