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Niger : les militaires veulent poursuivre le président déchu Bazoum pour «haute trahison»

Les auteurs du coup d'Etat au Niger ont annoncé leur intention de «poursuivre» le président renversé Mohamed Bazoum pour «haute trahison» et «atteinte à la sûreté» du pays, alors que plane une menace d'intervention militaire de la Cédéao.

«Le gouvernement nigérien a réuni à ce jour» les «preuves pour poursuivre devant les instances nationales et internationales compétentes le président déchu et ses complices locaux et étrangers, pour haute trahison et atteinte à la sûreté intérieure et extérieure du Niger», a déclaré le 13 août le colonel-major Amadou Abdramane, dans un communiqué lu à la télévision nationale.

Le gouvernement appuie ses accusations sur des «échanges» de Mohamed Bazoum avec des «nationaux», des «chefs d'Etat étrangers», et des «responsables d'organisations internationales».

A propos du président déchu, les militaires ont appelé à «s'interroger sur la sincérité de sa prétention à soutenir qu'il est séquestré, alors même que les militaires n'ont jamais investi sa résidence présidentielle et qu'il dispose encore de tous les moyens de communication».

Mohamed Bazoum s'est entretenu plusieurs fois avec des représentants de pays alliés au Niger avant le coup d'Etat, comme les Etats-Unis, et des membres de son entourage politique. Les militaires assurent également qu'il «reçoit régulièrement la visite de son médecin». Selon un conseiller du président renversé, une consultation a eu lieu le 12 août. «Après cette visite, le médecin n'a soulevé aucun problème quant à l'état de santé du président déchu et des membres de sa famille», ont ajouté les militaires.

Mohamed Bazoum, retenu dans sa résidence présidentielle depuis le 26 juillet – jour du coup d'Etat – avec son fils et sa femme, avait déclaré dans plusieurs médias être un «otage», privé d'électricité et contraint de ne manger que du riz et des pâtes.

Sanctions «humiliantes»

En outre, les militaires ont dénoncé «les sanctions illégales, inhumaines et humiliantes de la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest)», prises lors d'un sommet de l'organisation le 30 juillet, au cours duquel avait aussi été fixé un ultimatum de sept jours pour rétablir l'ordre constitutionnel, sous peine d'un recours à la force, qui n'a pas été appliqué.

Pendant ce sommet, les Etats ouest-africains ont annoncé entre autres la suspension des transactions financières et commerciales avec le Niger, dépendant économiquement et énergétiquement de pays étrangers.

Ces sanctions «vont jusqu'à priver le pays de produits pharmaceutiques, de denrées alimentaires» et de «fourniture en courant électrique», ont déploré les militaires dans leur communiqué.

Ces déclarations surviennent après l'accueil par le régime militaire d'une délégation de chefs religieux nigérians musulmans le 12 août, menée avec l'accord du président du Nigeria Bola Tinubu, également à la tête de la Cédéao, pour «apaiser les tensions créées par la perspective d'une intervention militaire» de l'organisation.

Selon un communiqué de la médiation religieuse nigériane, le chef du régime militaire, le général Abdourahamane Tiani, avait «déclaré que sa porte était ouverte pour explorer la voie de la diplomatie et de la paix afin de résoudre» la crise.

La Cédéao prépare une «force en attente»

Le 10 août, lors d'un nouveau sommet, les dirigeants de la Cédéao avaient réaffirmé privilégier la voie diplomatique pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions, tout en ordonnant une mobilisation et un déploiement de la «force en attente» de la Cédéao. Le calendrier et les modalités d'une éventuelle intervention militaire ouest-africaine n'ont pas été dévoilés, mais le président ivoirien Alassane Ouattara, dont le pays contribuera à cette force, a affirmé le 10 août qu'elle devrait pouvoir intervenir «dans les plus brefs délais».

Un des proches de Mohamed Bazoum avait assuré que les militaires avaient brandi «la menace» de s'en prendre à lui si une intervention armée avait lieu.

Selon le général Tiani, cité dans le communiqué de la médiation nigériane, les militaires ont renversé le président Bazoum «en raison d'une menace imminente qui aurait affecté non seulement la République du Niger, mais aussi le Nigeria».

Abdourahamane Tiani avait justifié le coup d'Etat par «la dégradation sécuritaire» dans le pays, miné par la violence de groupes djihadistes comme le Mali et le Burkina voisins, également dirigés par des militaires et qui ont affiché leur solidarité avec Niamey.

Concernant les personnes proches du régime déchu arrêtées depuis le coup d'Etat, les militaires au pouvoir ont ajouté qu'ils «réaffirment leur ferme volonté de respecter [...] les engagements du Niger en matière de droits de l'homme».