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Journal du dimanche : fronde de la rédaction contre l’arrivée éventuelle de Geoffroy Lejeune

Fraîchement évincé du journal Valeurs actuelles, Geoffroy Lejeune est pressenti pour prendre la direction du JDD. Une nomination qui a immédiatement provoqué un séisme dans la rédaction, entrée en grève et soutenue par des personnalités de gauche.

L’annonce a fait l’effet d’une bombe au sein de la rédaction du Journal du dimanche (JDD). Le 22 juin, Le Monde révélait que le journaliste Geoffroy Lejeune, 34 ans, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire conservateur Valeurs actuelles pendant sept ans, allait prendre la tête du journal, propriété du milliardaire Vincent Bolloré depuis 2021.

L’information n’a pas été infirmée par la direction, en dépit des demandes de la rédaction. Celle-ci a immédiatement entamé un mouvement de grève et a été rapidement soutenue par une large partie de la gauche, qui s'est émue de ce renouvellement à la tête du journal. 

Une arrivée qui fait grincer des dents à gauche

Evincé de Valeurs actuelles il y a trois semaines seulement pour des différends éditoriaux récurrents avec le propriétaire du journal, l'homme d'affaires franco-libanais Iskandar Safa, le jeune journaliste a été suivi dans sa démarche par des plumes du journal qui ont préféré se retirer du titre, à l'image de la chroniqueuse vedette Charlotte d'Ornellas et de Raphaël Stainville.

Dans les rangs de La France insoumise, les réactions ont été cinglantes. L’ancien journaliste et actuel député de Paris Aymeric Caron a ainsi égratigné le journal, «porte-parole de la macronie» qui «devient d’extrême droite». Le député de la Somme François Ruffin a de son côté salué les journalistes du JDD, qui «ne veulent pas devenir le porte-voix de l’extrême droite». L’ancien secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts, qui siège dans la coalition de gauche Nupes, a également tenu à apporter son soutien à la rédaction du journal, tout comme le député communiste de la Seine-Maritime Sébastien Jumel.

Même son de cloche pour le socialiste Inaki Echaniz, député des Pyrénées-Atlantiques et co-rapporteur de la mission d’évaluation sur la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias qui a souligné : «Je ne peux qu’apporter mon soutien aux équipes du JDD.» Du côté de la majorité et à droite de l’hémicycle, ce changement de tête au JDD n’a pas ou très peu été commenté.

Des salariés quasi unanimement mobilisés

La grogne à gauche fait écho à la mobilisation des salariés du JDD. Après la révélation de l’arrivée de Geoffroy Lejeune, la rédaction du journal a voté à 99% une grève de 24 heures reconductible. Depuis 17h30 le 22 juin, le JDD n’est plus actualisé. Le communiqué de la rédaction du journal dénonce «des idées à l’opposé des valeurs que porte le JDD depuis 75 ans». Geffroy Lejeune est également accusé, durant ses années à la direction de Valeurs actuelles, d’avoir «propagé des attaques haineuses et de fausses informations». 

En outre, le texte pointe aussi du doigt la possible arrivée de Charlotte d’Ornellas, qualifiée elle de «figure de la droite réactionnaire et proche d’Éric Zemmour». La rédaction du JDD a également reçu le soutien du Syndicat national du journalisme (SNJ), premier syndicat du secteur, qui réclame une loi «permettant de garantir l'indépendance des rédactions».

Quelques personnalités ont tenu à apporter leur soutien à Geoffroy Lejeune. C'est le cas de l'ancien journaliste Ivan Rioufol et de l'ex-ministre et fondateur du Puy du Fou Philippe de Villiers.

Quel avenir pour la rédaction ?

Presque unanimement mobilisée, la rédaction du JDD ne veut pas de Geoffroy Lejeune comme rédacteur en chef. Comment, en de telles circonstances, celui-ci pourra-t-il prendre la tête de l’hebdomadaire ?

Quelques indices peuvent être trouvés dans les précédents médias passés sous la coupe de Vincent Bolloré. En 2016, lorsque le milliardaire a pris la tête du groupe Canal+, une grève d’un mois a frappé la chaîne I-Télé (depuis rebaptisée CNews). Les trois-quarts des journalistes partis ont finalement été remplacés. Du côté d’Europe 1, c’est la quasi-totalité de la rédaction qui a quitté le navire lorsque les rédacteurs en chef ont été remplacés.