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Ukraine : les soldats formés par les chasseurs alpins ou les paras français maintenant au front

L’offensive ukrainienne qui se déroule depuis début juin implique des soldats formés par la France. Une contribution à l’effort de guerre ukrainien sur laquelle Paris reste discret.

La France avait annoncé à l'automne 2022 la formation de soldats ukrainiens. La contre-offensive lancée début juin par l'Ukraine sonne l'heure d’un premier bilan.

Parmi les unités tricolores ayant participé à l'entraînement de troupes de Kiev, on retrouve, selon Le Monde «le 27e bataillon de chasseurs alpins (27e BCA), basé à Annecy (Haute-Savoie) ; le 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (3e RPIMa), basé à Carcassonne (Aude) ; ou encore le 1er régiment d’artillerie de Belfort». Par ailleurs, «des forces spéciales ont aussi été mobilisées en vue d’apprentissages très spécifiques», précise le quotidien, dans un article daté du 14 juin.

Depuis, ces personnels ukrainiens ont été envoyés au front afin de mettre en pratique les techniques de combat dispensées par leurs instructeurs français.

En mars 2023, on apprenait que 150 instructeurs français avaient été positionnés en Pologne pour entraîner 600 soldats ukrainiens par mois. «Les formations vont débuter en avril et permettre d’enseigner le combat terrestre à 4 000 soldats ukrainiens dans un premier temps», détaillait à l’époque le ministère des Armées.

Le ministre des Armées avait annoncé en octobre 2022 que la France formerait «jusqu'à 2 000 soldats ukrainiens» sur son sol. «Il y a déjà eu des formations d’artillerie faites en France pour les Caesar, mais là nous changeons d’échelle», expliquait alors Sébastien Lecornu. «Nous faisons cela en respectant les règles de droit, sans jamais être dans la cobelligérance, car nous ne sommes pas en guerre. Nous aidons un pays qui est en guerre», avait alors affirmé le ministre des Armées.

Un argument que refuse Moscou. Ainsi le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov estimait-il en décembre dernier que les membres de l'OTAN s'impliquaient directement dans le conflit «non seulement par la fourniture d'armes, mais aussi par la formation du personnel militaire», avait-il répondu à une journaliste de l'AP.

Une unité ukrainienne d'AMX décimée ?

Si Paris avait d’abord souhaité rester très discret sur le périmètre exact de ces formations militaires, les premières fuites avaient été le fait des soldats ukrainiens eux-mêmes. Certains d’entre eux avaient posté dès mars 2022 des vidéos de leur entraînement sur blindé de reconnaissance AMX10-RC au camp de Canjuers. Ces blindés devaient équiper la 37e Brigade de l’infanterie de marine ukrainienne alors en cours de formation. Des soldats de cette unité ayant participé à la récente offensive ukrainienne au sud de Velyka Novossilka ont témoigné auprès du Washington Post le 13 juin dernier.

Selon eux, 30 des 50 hommes de leur unité ont été mis hors de combat et cinq véhicules blindés détruits dès le début d’un engagement le 5 juin. L’un d’eux a précisé que le blindage des AMX10-RC était bien trop léger pour les protéger des tirs russes et que de ce fait, les véhicules devaient être «placés derrière l’infanterie et non devant».

L'armée russe a d'ailleurs revendiqué, le 5 juin, avoir mis hors de combat «trois chars à roues AMX-10», parmi de nombreux autres blindés.

«40% auraient potentiellement perdu la vie dans les combats»

Des militaires ukrainiens ont aussi été formés au maniement des canons Caesar et des batteries de défense sol-air Crotale, mais le gros des troupes a été formé aux techniques de base du combat en plaine et urbain. «Ils voulaient apprendre le combat de tranchées», rapporte d'ailleurs les sources du Monde. A cela s'ajoutent le secourisme sur le champ de bataille et les problématiques liées aux mines, présentes en très grand nombre sur le front. Selon un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), 250 000 kilomètres carrés du territoire ukrainien auraient en effet été minés.

L’infanterie ainsi entraînée paie un très lourd tribut à la guerre, bien qu’il soit très difficile d’obtenir des bilans précis. «Lors d’une séquence de formation organisée voici plusieurs mois par un pays balte, les formateurs se sont rendus compte qu’ils avaient perdu le lien avec 70% de ceux qu’ils avaient entraînés – parmi ces derniers, selon leurs estimations, 40% avaient potentiellement perdu la vie dans les combats. Une situation pouvant engendrer du stress post-traumatique», expliquait le 14 juin une source militaire française au Monde pour justifier que les instructeurs tricolores aient pour consigne de ne pas garder de lien avec leurs élèves ukrainiens. Des recrues au profil très disparate, toujours selon ce quotidien : «Depuis des jeunes gens à peine majeurs jusqu’à des personnes ayant dépassé les 50 ans.»

L’entraînement dispensé depuis mars 2022 par l’armée française a fini par s’insérer dans un dispositif plus large piloté par l’Union européenne. Celle-ci avait annoncé le 17 octobre 2022 qu’elle allait prendre en main jusqu’à 15 000 soldats ukrainiens, coordonnant les efforts de la France, de l’Allemagne et de la Pologne pour dispenser une formation de base à 12 000 d’entre eux et des apprentissages spécifiques aux 3 000 autres. Une démarche qui venait en complément de la prise en main des matériels fournis par les différents pays et de l’entraînement prodigué par le Royaume-Uni et les Etats-Unis.