Des centaines de Libanais, dont un grand nombre de militaires à la retraite, ont manifesté ce 22 mars à Beyrouth contre la détérioration des conditions de vie et l'effondrement vertigineux de la monnaie nationale, avant d'être dispersés par le gaz lacrymogène tiré par les forces de l'ordre.
La manifestation a rappelé le mouvement de protestation d'octobre 2019, lorsque les Libanais étaient descendus en masse dans la rue à travers le pays contre une classe politique accusée de corruption. Celle-ci est néanmoins encore en place.
Ce 22 mars, les manifestants se sont rassemblés dans le centre de Beyrouth, à l'appel de collectifs d'épargnants et de militaires à la retraite, pour protester contre l'effondrement de la livre libanaise, qui a perdu plus de 98% de sa valeur depuis l'automne 2019.
Une diminution des retraites des militaires
Brandissant des drapeaux libanais, les manifestants ont conspué le gouvernement. L'un des militaires à la retraite, en treillis, tenait une pancarte appelant «la communauté internationale et les pays arabes à [les] débarrasser de la classe politique corrompue».
Lorsqu'ils ont tenté de prendre d'assaut le siège du gouvernement, les forces de sécurité les ont dispersés à l'aide de gaz lacrymogène. Certains manifestants ont riposté à coups de pierres, avant que le mouvement de protestation ne prenne fin.
Un manifestant a été blessé ainsi qu'un membre des forces de sécurité, a constaté un journaliste de l'AFP.
«Je touchais 4 000 dollars par mois avant la crise. Aujourd'hui, ma pension ne vaut plus que 150 dollars», a affirmé à l'AFP Khaled Naous, un général à la retraite de 70 ans : «Nous sommes humiliés et nous sommes désespérés.»
La situation des soldats retraités est encore plus dramatique : «Ma pension est de 50 dollars et je n'ai plus de quoi nourrir mes cinq enfants», a déclaré l'un d'eux, Marwane Seifeddine, 60 ans.
Depuis la crise économique qui a éclaté à l'automne 2019, les salaires ont littéralement fondu, alors que les épargnants n'ont plus accès à leurs économies, bloquées par les banques.
«On a pris notre retraite dans l'espoir de vivre confortablement et d'éduquer nos enfants [...] mais ils ont gardé notre argent dans les banques et nous sommes obligés de mendier pour obtenir notre propre argent», a regretté Amal Hammoud, une capitaine de l'armée âgée de 53 ans et à la retraite depuis 2021.
La chute abyssale de la livre libanaise
«Les gens réclament leurs droits les plus élémentaires [...], mais on leur répond avec des gaz lacrymogènes», a-t-elle ajouté.
«Mon salaire était de 2 450 dollars avant la crise, aujourd'hui je touche 100 dollars par mois», a affirmé de son côté Hatem, un enseignant à la retraite de 73 ans : «Quand je n'aurai plus rien à manger à la maison, j'attendrai la mort.»
Le taux de change du dollar par rapport à la livre libanaise, qui fluctue d'heure en heure, avait atteint le 15 mars un pic de 140 000 LBP pour un dollar, avant de retomber à environ 110 000 LBP le lendemain, alors que le dollar valait 1 500 LBP avant la crise.
Le Liban connaît l'une des pires crises économiques au monde depuis 1850 selon la Banque mondiale, marquée par une paupérisation inédite de la population.
La profonde crise politique que traverse le pays aggrave la situation, les députés ne parvenant pas à s'entendre pour élire un nouveau président de la République depuis novembre.
Le pays est dirigé par un gouvernement démissionnaire aux pouvoirs réduit. En marge de la manifestation, une délégation de militaires à la retraite a rencontré le Premier ministre, Najib Mikati, pour lui transmettre ses revendications, a rapporté l'Agence nationale d'information (Ani, agence officielle).