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La Commission recommande le gel de fonds européens destinés à la Hongrie

Alors que la question du respect de l'Etat de droit envenime les relations entre Bruxelles et Budapest, la commission plaide pour le gel 7,5 milliards d'euros de fonds de cohésion ainsi que 5,8 milliards du plan de relance en faveur de la Hongrie.

Les réformes engagées par Viktor Orban n'auront pas suffi, selon Bruxelles. Sous la pression du Parlement européen, la Commission européenne a recommandé ce 30 novembre de geler 7,5 milliards d'euros de fonds de cohésion destinés à la Hongrie et 5,8 milliards du plan de relance tant que des réformes en matière de justice et de lutte anticorruption n'auront pas été correctement menées. Les Etats membres ont jusqu'au 19 décembre pour se prononcer à la majorité qualifiée.

Budapest prêt à «convaincre la Commission européenne»

Le gouvernement hongrois s'est dit prêt à «convaincre la Commission européenne» de sa volonté de lutter contre la corruption.

«Nous allons mettre en place les mesures supplémentaires exigées et en 2023, nous ne doutons pas que nous parviendrons à convaincre la Commission (...) qu'il n'est pas nécessaire de suspendre les fonds», a déclaré le négociateur hongrois Tibor Navracsics devant la presse à Budapest.

Le 24 novembre, le Parlement européen avait appelé la Commission à geler les fonds destinés à Budapest. Une majorité d'eurodéputés a jugé insuffisantes les mesures votées par le parlement hongrois et accusé la Hongrie de faire «pression» sur la Commission et le Conseil «en bloquant des décisions cruciales de l'UE telles que l'aide macro financière de 18 milliards d'euros à l'Ukraine et l'accord sur le taux minimum global d'imposition des sociétés».

Une «énorme pression politique» des eurodéputés «majoritairement de gauche» qui a fait «changer la position de la Commission», avait dénoncé le 29 novembre devant la presse étrangère Tibor Navracsics.

Selon plusieurs sources européennes, évoquées par l’AFP, l'influence des eurodéputés, largement partisans de la sévérité face à Orban, a été décisive. L'éventualité d'une motion de censure de la Commission en cas de dégel des fonds a même été évoquée, notamment par le groupe Renew Europe (centristes) où siègent les députés français issus de la liste Renaissance.

Des réformes hongroises jugées insuffisantes par Bruxelles

Fin avril, la Commission européenne avait déclenché contre la Hongrie une procédure dite de «conditionnalité», destinée à protéger le budget européen des atteintes à l’Etat de droit. Une première pour l'UE, en raison notamment «d'irrégularités systématiques dans les passations de marchés publics», de «défaillances» en matière de poursuites judiciaires et de lutte contre la corruption.

La perspective de se voir privée de fonds a poussé la Hongrie à engager 17 mesures pour répondre aux inquiétudes de Bruxelles, dont la mise en place d'une «autorité indépendante» destinée à mieux contrôler l'utilisation des fonds de l'UE, soupçonnés d'enrichir des proches de Viktor Orban.

Pourtant la Commission estime que les réformes n'ont pas été menées de façon satisfaisante à la date butoir du 19 novembre. L'exécutif européen avait en septembre fixé cette échéance pour offrir une chance à la Hongrie d'échapper au gel de 7,5 milliards d'euros (environ 20% des fonds européens qu'elle doit recevoir sur 2021-2027).

Prochaine réunion cruciale des ministres de l'Economie 

L'exécutif européen a par ailleurs décidé de valider le plan de relance post-Covid de la Hongrie (5,8 milliards d'euros) mais en l'assortissant de 27 conditions qui reprennent les 17 mesures de lutte anticorruption, ainsi que des réformes pour améliorer l'indépendance de la justice. «Aucun versement de fonds n'aura lieu tant que ces conditions essentielles ne seront pas correctement remplies», a déclaré le vice-président exécutif de la Commission Valdis Dombrovskis lors d'une conférence de presse.

A un an et demi des élections européennes, de nombreux eurodéputés sont soucieux de faire campagne pour la défense de l'Etat de droit face à des mesures qu'ils jugent antidémocratiques. Reste à savoir si cette ligne dure sera suivie par les Etats membres, qui doivent prendre leur décision à la majorité qualifiée (15 pays sur 27, représentant au moins 65% de la population totale de l'UE).

Une réunion des ministres de l'Economie et des Finances est prévue le 6 décembre. Si les pays scandinaves et le Benelux sont traditionnellement sourcilleux sur les questions d'Etat de droit et de lutte anticorruption, de nombreux pays de l'est et du sud de l'Europe pourraient être plus réticents à un gel des fonds.