Il aura fallu moins d'un mois pour que des tensions apparaissent entre le nouveau gouvernement italien de Giorgia Meloni et la France. Le refoulement de plusieurs centaines de migrants au large des côtes italiennes a en effet provoqué une querelle diplomatique entre Rome et Paris.
Dans la soirée du 8 novembre, plusieurs centaines de migrants n'ont pas été autorisés à rentrer sur le territoire italien. Pourtant Rome avait donné son aval pour que les trois navires de secours en Méditerranée puisse accoster dans des ports italiens. Le nouveau gouvernement a finalement permis à une partie, et non la totalité, des migrants de descendre à quai, au gram dam de Paris et des organisations humanitaires.
L'Ocean Viking refoulé
Dans la matinée du 8 novembre, le navire de l'ONG allemande Lifeline le Rise Above a pu accoster à Reggio Calabria, dans la pointe sud de la botte italienne avec la totalité des 89 migrants à son bord. Six migrants avaient été secourus le 6 novembre pour raisons médicales.
Un autre navire battant pavillon allemand Humanity 1, de l'ONG SOS Humanity, avait jeté l'ancre à Catane, en Sicile, le 6 novembre pour débarquer 144 personnes, essentiellement des femmes et des mineurs. Mais l'Italie avait refusé l'entrée sur son territoire de 35 hommes majeurs.
Le Geo Barents, bâtiment de Médecins sans frontières (MSF) sous pavillon norvégien, a également appareillé dans la soirée du 6 novembre à Catane. 357 migrants ont pu débarquer, dont des enfants, mais l'entrée a été refusée à 215 autres.
L'Ocean Viking, de l'ONG européenne SOS Méditerranée, qui bat aussi pavillon norvégien, n'a quant à lui pas reçu le feu vert des autorités italiennes pour accoster en Italie. En mer depuis 18 jours, il naviguait dans la matinée du 8 novembre au large du port sicilien de Syracuse, a indiqué à l'AFP un photographe à bord. 234 migrants y sont présents. «Face au silence assourdissant de l'Italie», SOS Méditerranée a indiqué avoir demandé dans la foulée à la France d'assigner un port sûr à l'Ocean Viking qui «devrait arriver dans les eaux internationales près de la Corse le 10 novembre».
«Cette solution extrême est le résultat d'un échec critique et dramatique de tous les Etats membres de l'Union européenne et des Etats associés à faciliter la désignation d'un lieu sûr», a insisté l'ONG dans son communiqué.
Un bateau de migrants prochainement en France?
Outre les remontrances de l'organisation humanitaire, ce volte-face de Rome a provoqué l'ire du gouvernement français. A la suite du refus de l'Italie, Paris a dénoncé dans la soirée du 8 novembre le «comportement inacceptable» des autorités italiennes qui est «contraire au droit de la mer et à l'esprit de solidarité européenne», a déclaré une source gouvernementale française à l'AFP.
Nous apprécions la décision de la France de prendre sa part de responsabilité face à l'urgence migratoire
«Nous attendons autre chose d'un pays qui est aujourd'hui le premier bénéficiaire du mécanisme de solidarité européen», a-t-elle ajouté. Plus tôt dans la même soirée, la nouvelle présidente du Conseil Giorgia Meloni avait remercié la France qui, selon elle, acceptait d'accueillir l'Ocean Viking dans un de ses ports. «Nous voulons dire à quel point nous apprécions la décision de la France de prendre sa part de responsabilité face à l'urgence migratoire, qui jusqu'à présent reposait sur les épaules de l'Italie et de quelques autres pays méditerranéens, en ouvrant ses ports au navire Ocean Viking», a déclaré Giorgia Meloni dans un communiqué.
Le lendemain, le 9 novembre, la tension n'est pas redescendue entre les deux voisins. Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a demandé à l'Italie de «jouer son rôle» et de «respecter ses engagements européens», en accueillant le navire Ocean Viking sur lequel 234 migrants sont bloqués. «Le bateau est actuellement dans les eaux territoriales italiennes, il y a des règles européennes extrêmement claires et qui ont été d'ailleurs acceptées par les Italiens qui sont, de fait, le premier bénéficiaire d'un mécanisme de solidarité financier européen», a assuré le ministre.
Le nouveau gouvernement italien de droite nationale est partisan d'une politique anti-immigration. Il réclame notamment une plus grande solidarité entre les pays européens dans l'accueil des migrants et estime que les Etats sous le drapeau desquels les bateaux naviguent doivent également prendre leur part.
L'Italie constate cette année une forte hausse des entrées sur son territoire par la mer. Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, 88 100 migrants sont arrivées sur ses côtes depuis le 1er janvier contre respectivement près de 56 000 et 30 400 sur la même période de 2021 et 2020, années de la crise du Covid-19.