Une écrasante majorité : 185 Etats-membres de l'ONU ont voté le 3 novembre en faveur de la résolution annuelle de l’Assemblée générale portant sur la «nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les Etats-Unis». Les Etats-Unis et Israël s’y sont opposés, tandis que le Brésil (encore sous présidence Bolsonaro) et l’Ukraine ont préféré s’abstenir.
En présentant le texte de la résolution, le ministre des Affaires étrangères cubain Bruno Rodriguez Parrilla a souligné que la politique des Etats-Unis «est condamnée de façon universelle depuis trois décennies» – il s'agit de la trentième résolution sur le sujet – et a estimé que le blocus s’apparentait à un «ouragan permanent» en raison de ses effets dévastateurs sur l'économie de l'île socialiste, récemment frappée par l'ouragan Ian. Selon lui, le coût total du blocus s'élève à 1 400 milliards de dollars depuis sa mise en place à partir de 1960, et près de 6,6 milliards de dollars au cours des 14 premiers mois de l’administration de Joe Biden. «A quoi ressemblerait Cuba si elle avait pu bénéficier de ces ressources ?», s’est-il interrogé.
«Les Etats-Unis et le monde seraient meilleurs sans le blocus», a ajouté le ministre cubain , assurant que La Havane était prête à rétablir des relations apaisées avec Washington, tout en insistant sur le fait que Cuba n’accepterait jamais de renoncer à son système socialiste.
Le représentant cubain a reçu le soutien de nombreux pays du Sud, qui ont dénoncé des mesures américaines contraires au droit international et loué la solidarité dont a fait preuve Cuba à leur égard, malgré ses difficultés. L'Afrique du Sud a ainsi regretté que les résolutions successives sur la levée de l’embargo soient restées lettre morte, malgré le soutien massif dont elles ont bénéficié au fil des ans, et a affirmé que Cuba «contribue toujours largement à la coopération Sud-Sud». Le représentant de Pretoria a en outre dénoncé la désignation de Cuba comme faisant partie des Etats «parrainant le terrorisme». Le Nicaragua a pour sa part condamné un blocus «criminel» imposé au peuple cubain, l'assimilant même à un «crime contre l’humanité» en temps de pandémie.
Les Etats-Unis justifient le maintien du blocus par les atteintes aux droits de l'Homme à Cuba
Opposés à la résolution, les Etats-Unis ont mis en avant «la répression très dure» des manifestations qui ont eu lieu à Cuba en juillet 2021 face à la crise économique et aux pénuries de nourriture et de médicaments, et assuré qu'ils se tiendraient «aux côtés du peuple cubain». Washington a aussi souligné que l’embargo comportait des exemptions, et que les Etats-Unis étaient les premiers partenaires commerciaux de Cuba avec des exportations de biens s’élevant à 295 millions de dollars en 2021.
«Si le gouvernement des Etats-Unis était vraiment intéressé par le bien-être, les droits de l'Homme et l'autodétermination des Cubains, il pourrait lever le blocus», a rétorqué Yuri Gala, représentant adjoint de Cuba à l'ONU. Au nom de l'Union européenne, la République tchèque a soutenu la résolution condamnant le blocus, tout en exprimant ses inquiétudes quant à la situation des droits sur l'île.
En vigueur depuis près de soixante ans, l'embargo décrété par Washington en réaction à la Révolution cubaine de 1959 et à la nationalisation d'une série d'entreprises américaines a été renforcé en 1996 par la loi dite «Helms-Burton», qui stipule que les entreprises ou entités commerçant avec Cuba peuvent être poursuivies devant les tribunaux américains. Ce principe d'extraterritorialité a été dénoncé par de nombreux pays, la résolution onusienne rappelant que cette loi porte «atteinte à la souveraineté d’autres Etats».
Les relations entre Cuba et les Etats-Unis ont connu une brève éclaircie sous le mandat du président américain Barack Obama, qui avait rétabli officiellement les relations avec la Havane et effectué une visite sur place en 2016. La même année, les Etats-Unis s'étaient également abstenus pour la première fois lors d'un vote de l'ONU condamnant l'embargo. L'ex-président américain Donald Trump est toutefois revenu à une approche plus dure, abandonnant cette politique de normalisation. Depuis son élection en 2020, Joe Biden n'a pas sensiblement modifié la politique américaine, ayant qualifié en juillet 2021 Cuba d'«Etat défaillant qui opprime ses citoyens».