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Propagation de la cancel culture : «L’Histoire tirera les choses au clair», estime Vladimir Poutine

Depuis le forum de Valdaï, le président russe a de nouveau dénoncé le phénomène de la «cancel culture». Plusieurs artistes et figures de la culture russe avaient été boycottés, en Occident, après le lancement de l’opération militaire en Ukraine.

«Dans quoi avez-vous sombré ?»

Lors de son discours au forum annuel du club Valdaï, le 27 octobre, le président russe Vladimir Poutine a dénoncé la «cancel culture occidentale», estimant que «l’Histoire tirera[it] les choses au clair, sans aucun doute, pour "cancel" non pas les chefs-d’œuvre créés par des génies de la culture mondiale universellement reconnus, mais ceux qui se croient aujourd’hui, pour une raison inconnue, en droit de s'imposer comme maîtres de cette même culture».

Reprenant les propos d'Alexandre Soljenitsyne, lors de son célèbre discours du 8 juin 1978 devant les étudiants d’Harvard, le président russe dénonce 44 ans après le dissident soviétique la prétention des Occidentaux à l’universalité de leurs valeurs. «Croire en son infaillibilité est très dangereux ; ce n’est qu’à un pas du désir des infaillibles de détruire ceux qu'ils n'aiment pas, ou comme on dit, de les "cancel"», met ainsi en garde le chef d’Etat russe, rappelant qu’«au plus fort» de la guerre froide, «il n'est venu à l'esprit de personne de nier l'existence même de la culture, de l'art et de la science de leurs adversaires».

La cancel culture, ou «l’éradication de tout ce qui est vivant et créatif»

«A un moment donné, les nazis ont atteint le point de brûler des livres, et maintenant les "gardiens du libéralisme et du progrès" occidentaux ont atteint le point d'interdire Dostoïevski et Tchaïkovski», lance alors le président russe, avant de poursuivre : «La soi-disant "cancel culture" et en réalité – comme nous l'avons dit à plusieurs reprises – la véritable culture de l’effacement est l’éradication de tout ce qui est vivant et créatif et étouffe la libre pensée dans tous les domaines, qu’il soit économique, politique ou culturel.»

Dans plusieurs pays occidentaux, après le lancement de l’«opération militaire spéciale» russe en Ukraine, des figures de la culture russe ont été prises pour cible par une certaine censure. Pour le seul mois de mars, l’Opéra de Cardiff déprogrammait un concert consacré à des œuvres de Tchaïkovski, ceux de Londres, Munich et Rotterdam évinçaient leurs chefs d’orchestre russes. L’université de Milan-Bicocca a supprimé des enseignements consacrés à Dostoïevski, dont la statue a été menacée de déboulonnage à Florence. En France, un collectif vendéen a réclamé que le collège Soljenitsyne d’Aizenay soit débaptisé. A Montréal, c’est le jeune pianiste Alexander Malofeev qui sera reconnu coupable d’être né russe.

Cela a atteint le point absurde où toute opinion alternative est déclarée propagande subversive et menace pour la démocratie

«Cela a atteint le point absurde où toute opinion alternative est déclarée propagande subversive et menace pour la démocratie», estime le président russe. Pour ce dernier, le libéralisme aurait «changé au point d’être devenu méconnaissable», passant d’une idéologie prônant la défense des libertés de chacun à une volonté de restreindre – si ce n’est d’interdire – celles de tout ennemi désigné. «Parti de la liberté illimitée, j’arrive au despotisme illimité», analyse Vladimir Poutine, citant les propos de Chigalev, personnage nihiliste du roman de Dostoïevski Les Possédés.

Menace sur l’unité de la société

Ce n’est pas la première fois que le dirigeant russe s’en prend à la «cancel culture». Pour lui, cette idéologie née aux Etats-Unis est un «obscurantisme» qui menace tant le «bon sens» que l’unité de la société. Lors de l’édition 2021 du club Valdaï, le président russe avait notamment épinglé le dévoiement de la lutte antiraciste en Occident, transformée selon lui en «racisme inversé» cherchant à diviser les individus plutôt qu'à les réunir.

Relancé sur cette thématique lors de sa conférence de presse annuelle, en décembre 2021, sur fond d’accusations de «transphobie» en Occident à l’encontre de la créatrice d'Harry Potter, Vladimir Poutine avait jugé «inévitable» l’arrivée d’un tel phénomène en Russie et ailleurs. Estimant inutile de lutter «avec des décrets», le président russe avait prôné un soutien aux «valeurs traditionnelles» afin d’endiguer la propagation de ce «fléau».