Dans une longue interview accordée à l'hebdomadaire russe Argoumenty i Fakty, mise en ligne ce 8 octobre, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a dénoncé la tentative, selon lui, des «Américains et [de] leurs alliés» d'«introduire au niveau du public la rhétorique nucléaire».
«Je vous rappelle que peu avant l'opération militaire spéciale, intervenant à la conférence de Munich sur la sécurité, Zelensky a qualifié d'erreur la renonciation ukrainienne aux armes nucléaires qui étaient restées sur le territoire du pays après l'effondrement de l'URSS», a-t-il d'abord expliqué.
Lors de son discours le 19 février dernier à la Conférence de Munich sur la sécurité, le président ukrainien avait déclaré : «L'Ukraine a reçu des garanties de sécurité pour avoir abandonné la troisième capacité nucléaire du monde. Nous n'avons pas cette arme. Nous n'avons pas non plus de sécurité.»
Poursuivant son propos, Sergueï Lavrov a ajouté : «Après cela, la rhétorique nucléaire a été utilisée par les politiciens occidentaux. Rappelez-vous par exemple cette légèreté avec laquelle le Premier ministre britannique actuel a promis, lors de sa campagne électorale, de presser sur le "bouton rouge" le cas échéant.»
Le chef de la diplomatie russe fait référence a une déclaration datant du 23 août de celle qui n'était encore que secrétaire d'État aux Affaires étrangères du gouvernement de Boris Johnson. Interrogée par un journaliste lors d'un événement à Birmingham, en pleine course pour l'accession à la tête du parti conservateur et par conséquent au 10 Downing Street, Liz Truss s'était dite «prête» à user de la force nucléaire même si cela conduisait à une «annihilation totale» de la planète, selon les termes de son interlocuteur.
Lavrov évoque des «manipulations et des mensonges éhontés» de la part des Occidentaux
Dans son entrevue, Sergueï Lavrov a également critiqué le positionnement des Occidentaux sur le risque nucléaire. «L'Occident déforme tout, il tente de présenter la situation comme si c'est la Russie qui lançait des menaces nucléaires et qui pouvait employer une arme nucléaire en Ukraine. Diverses manipulations et des mensonges éhontés sont utilisés», a-t-il regretté.
«Le président Poutine et les officiels russes ont plusieurs fois expliqué que notre politique en matière de dissuasion nucléaire présentait un caractère exclusivement défensif. L'emploi hypothétique d'armes nucléaires est explicitement limité aux urgences prévues par les scénarios définis dans la doctrine militaire de la Fédération de Russie et dans le cadre général de la politique d'Etat en matière de dissuasion nucléaire», a-t-il encore fait valoir.
Enfin, il a conclu son propos en soulignant «que la Russie est toujours fidèle à la déclaration de cinq Etats dotés d'armes nucléaires du 3 janvier dernier qui a réaffirmé le postulat sur l'inadmissibilité d'une guerre nucléaire. Selon ce document approuvé au plus haut niveau, il est nécessaire de prévenir tout conflit armé entre les Etats dotés d'armes nucléaires».
La veille déjà, Sergueï Lavrov avait commenté l’appel de Volodymyr Zelensky auprès de l'OTAN à mener des «frappes préventives» contre la Russie, estimant qu'il s'agissait d'une volonté de longue date du président ukrainien, et que c'était précisément un élément qui avait justifié l'intervention militaire russe en Ukraine. Le Kremlin avait de son côté dénoncé un «appel à déclencher une guerre mondiale».
Si les intentions présumées de la Russie en ce qui concerne le recours à son arsenal nucléaire ont bénéficié ces derniers mois d'une attention accrue au sein du paysage médiatique occidental, Moscou, à plusieurs reprises, a fait valoir sa doctrine défensive en la matière.