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Washington, partie au conflit en Ukraine ? Deux hauts diplomates russes répondent

Selon le vice-ministre russe des Affaires étrangères et l'ambassadeur de Russie à Washington, l'implication des Etats-Unis, via l'envoi d'armes et la formation de troupes, est clairement établie. Une intervention qu'ils jugent tous deux dangereuse.

La question du statut des Etats-Unis dans le conflit en cours en Ukraine – et plus précisément de savoir s'ils sont directement partie prenante, voire cobelligérant – revient régulièrement dans les débats. Deux hauts diplomates russes, à savoir le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Riabkov et l'ambassadeur de Russie à Washington Anatoli Antonov, se sont exprimés sur le sujet dans des interviews donnés respectivement auprès du journal Mejdounarodnaïa jizn (La Vie Internationale) et de l’agence de presse RIA Novosti, le 14 septembre.

Interrogé sur l'ambiguïté de la situation, Sergueï Riabkov estime que les médias américains eux-mêmes sont «de plus en plus conscients que le jeu mené par l’administration contre la Russie en utilisant l’Ukraine à ses propres fins est en fait dangereux», ce qui pourrait menacer en fin de compte «les intérêts des Etats-Unis eux-mêmes». Le diplomate a ainsi incriminé «l'irresponsabilité avec laquelle les hommes politiques américains suivent ce cap [...] dicté par un égoïsme en politique étrangère», y voyant une constante de la politique de Washington.

Le vice-ministre des Affaires étrangères a souligné que «les Etats-Unis [continuaient] d'inonder le régime de Kiev avec des armes de plus en plus meurtrières de longue portée», mais apportent aussi à l'Ukraine une assistance «allant du renseignement jusqu’à la formation du personnel militaire». Pour Sergueï Riabkov, cette implication considérable des Etats-Unis crée à l'évidence «de nouveaux défis» pour la Russie, tout en assurant que cette dernière est prête «à y faire face».

Rejoignant cette analyse sur une série de points, Anatoli Antonov a relevé que «la grande majorité des médias américains [débordaient] de propos triomphants et enthousiastes [...] sur les actions des forces armées ukrainiennes». Les gains obtenus par Kiev lors de sa récente contre-offensive tiendraient ainsi à un soutien massif du Pentagone, entraînant une attitude de «bravade ouverte» de la part de l'administration et des généraux ukrainiens, qu'il juge «profondément préoccupante».

Prétendre que les Etats-Unis ne sont pas partie prenante est «ridicule», selon l'ambassadeur russe

Cependant, selon l'ambassadeur en poste dans la capitale américaine, cette attitude a au moins le mérite de mettre à mal les déclarations de Washington selon lesquelles les Etats-Unis ne sont pas parties au conflit : celles-ci «sont tout à fait ridicules et sans fondement», a-t-il affirmé, puisque totalement invalidées par les faits selon lui. Parmi eux, il a cité, outre des «milliards de dollars des contribuables ordinaires» consacrés à des livraisons d'armes, la présence en Ukraine de «soldats et d'officiers qui parlent couramment l'anglais, souvent avec un accent britannique et américain prononcé, qui sont en guerre contre nous».

Selon Anatoli Antonov, l'Ukraine est utilisée comme un «terrain d'essai», permettant à Washington et à ses alliés «d'éliminer des armes obsolètes et tester de nouveaux équipements militaires otaniens» face aux équipements russes. Cependant, ce soutien étatsunien ne modifiera pas l'issue du conflit dans la mesure où «seuls les politiciens naïfs et à courte vue connaissant mal l'histoire peuvent évoquer une victoire sur la Russie sur le champ de bataille», a-t-il lancé.

L'ambassadeur n'a en revanche pas écarté un scénario dans lequel la Russie serait amenée à considérer les Etats-Unis comme un belligérant à part entière : la confrontation serait directe si ceux-ci acceptaient de répondre à la demande «folle» de Kiev visant à obtenir des missiles à longue portée.

De son côté, le Pentagone a reconnu le 12 septembre avoir formé près de 1 500 militaires à l'utilisation du matériel livré depuis le début du conflit, rapporte Le Monde. Par ailleurs, selon un article du New York Times publié le 13 septembre et citant des responsables américains, la récente contre-offensive ukrainienne a été préparée avec des militaires du Pentagone au cours de simulations. «Nous avons fait de la modélisation et des exercices sur table», a reconnu Colin Kahl, sous-secrétaire pour la politique de défense au Pentagone, auprès du quotidien, précisant avoir fourni plusieurs pistes de contre-offensive aux Ukrainiens, qui ont ensuite «réfléchi et pris leur propre décision».

Le 22 août, Sergueï Riabkov avait déjà qualifié de «dangereuse» l’attitude de l’OTAN dans le conflit ukrainien, estimant qu’elle pourrait conduire à un affrontement militaire entre l’Alliance atlantique et la Russie. Il avait alors insisté sur le fait qu'il fallait à tout prix éviter un combat direct entre des puissances dotées d'armes nucléaires.