Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi s'est rendu à Doha le 13 septembre pour une visite de deux jours, une première depuis sa prise de fonction en 2014. Il a été reçu par l'émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani. Un déplacement qui vise à consolider la réconciliation entre les deux pays.
Selon l'agence de presse qatarie QNA, cette visite «instaure une nouvelle ère dans les relations entre Doha et Le Caire, les faisant évoluer en un partenariat fructueux». «Les relations qataro-égyptiennes connaissent une phase de communication active et de visites mutuelles destinées à les renforcer», ajoute QNA sur sa page Twitter.
L'émir du Qatar s'était, lui, rendu en Egypte fin juin pour sa première visite au Caire depuis la reprise des relations entre les deux pays en janvier 2021, après plus de trois ans de crise. Les deux dirigeants avaient alors discuté, selon la présidence égyptienne, du «renforcement des liens dans les domaines de l'énergie et de l'agriculture» ainsi que «l'approfondissement de la coopération en matière d'échanges commerciaux et en particulier concernant les flux d'investissements du Qatar à destination de l'Egypte».
L'économie égyptienne victime du conflit en Ukraine
Indépendamment du réchauffement diplomatique, Le Caire cherche surtout des investissements économiques pour pallier la crise du blé qui découle notamment du conflit en Ukraine. L'Egypte a été l'un des pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord les plus durement touchés. C'est en effet le plus grand importateur de blé au monde, avec près de 80% de son approvisionnement en provenance de Russie et d'Ukraine. En août, le gouverneur de la banque centrale égyptienne, Tareq Amer, a démissionné après que la monnaie du pays a chuté à un niveau quasi record, s'échangeant à un dollar contre plus de 19 livres égyptiennes. En janvier 2022, le billet vert valait 15 livres égyptiennes.
De surcroît, l'inflation atteint 15%, portée par une hausse des prix des denrées alimentaires atteignant jusqu'à 66% et réduisant le pouvoir d'achat des ménages. Le gouvernement a également décidé de couper l'électricité dans certains quartiers afin d'économiser le gaz naturel. Pour ne rien arranger, les Egyptiens vont bientôt devoir affronter une pénurie de thé, leur boisson favorite. En effet, l'entreprise locale, El Arosa, a prévenu qu'elle ne pouvait plus payer ses importations de matières premières.
Le rapprochement avec Doha ne serait donc pas sans arrière pensée économique. A ce titre, le Qatar avait annoncé fin mars investir 4,5 milliards d'euros en Egypte, rapporte l'Agence France Presse, tandis que le géant qatari des hydrocarbures QatarEnergy avait signé un accord avec l'Américain ExxonMobil pour acquérir une participation de «40% dans un bloc d'exploration au large de l'Egypte».
Le maréchal al-Sissi a également besoin d'investissements étrangers pour ses projets pharaoniques. Outre les subsides saoudiens et émiratis, il compte sur l'argent du Qatar pour le financement d'une nouvelle capitale surnommée par ses détracteurs «Sissi-City», pour les trains à grande vitesse reliant le Caire à Alexandrie ou encore pour la construction du plus grand musée du monde à Gizeh.
Cette visite du président égyptien au Qatar prouve que la brouille de 2017 est révolue. Cette année l'Egypte, l'Arabie saoudite, Bahreïn et les Emirats arabes unis avaient rompu leurs relations avec Doha, lui reprochant de soutenir les Frères musulmans et de s'être rapproché de l'Iran : des accusations démenties par le Qatar. Le Caire accusait notamment Doha de financer la confrérie, organisation classée terroriste par les autorités égyptiennes depuis fin 2013. Les deux pays avaient également des positions antagonistes sur le dossier libyen, sur les liens avec la Turquie et le Hamas. Le blocus diplomatique et économique imposé au petit émirat gazier du Golfe avait définitivement été levé le 5 janvier 2021 avec le sommet arabe d'Al-'Ula en Arabie saoudite.