Un sentiment de déjà vu. Pour mettre fin aux tensions en Cisjordanie, les autorités israéliennes ont annoncé le 12 septembre l'arrestation de 12 Palestiniens soupçonnés de terrorisme.
Des unités de Tsahal, des agents du Shin Bet et de la police des frontières ont mené plusieurs opérations dans les villes de Surif, Bayt Awa et Khirbat Carmel, près d'Hébron, ainsi que dans les camps de réfugiés d'Aida et de Jalazone, à Silwad près de Ramallah et à A-Ram près de Jérusalem. Les forces israéliennes ont également opéré à Jénine où elles ont arrêté quatre suspects et confisqué plusieurs armes. Au cours de ce raid, des coups de feu et des explosifs ont été tirés sur les soldats et des cocktail Molotov lancés. Ces derniers ont riposté par des tirs.
Selon le chef d'état-major de l'armée israélienne, Aviv Kochavi, près de 1 500 Palestiniens ont été arrêtés depuis le début de l'opération «Briser la vague», entamée après une série d'attaques visant des civils israéliens entre fin mars et mi-mai, qui ont coûté la vie à 19 personnes. Cette opération vise à endiguer l'expansion de ces homicides en Cisjordanie. D'ailleurs, Ronen Bar, qui dirige le Shin Bet, le service de sécurité intérieur israélien, regrette que l'Autorité palestinienne, dirigée par Mahmoud Abbas, perde le contrôle sur le terrain et permette une recrudescence des tensions.
Mahmoud Abbas affaibli
Ce contexte sécuritaire toujours aussi dégradé s'inscrit dans une crise politique qui dure en Cisjordanie. L'actuel chef de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas détient une autorité fragile sur ce territoire. En témoigne, les manifestations survenues au cours de l'été 2021 dans le sillage de la mort en détention du militant palestinien des droits humains Nizar Banat, quelques heures après son arrestation par les forces de sécurité palestiniennes. L'homme âgé de 43 ans accusait ouvertement le chef palestinien de corruption.
Plus largement, de nombreux palestiniens reprochent à Mahmoud Abbas sa passivité vis-à-vis de l'Etat hébreu et l'absence de partage des responsabilités politiques. A ce titre, sa rencontre fin 2021 avec le ministre israélien de la Défense Benny Gantz avait été dénoncée par le Hamas et avait provoqué des remous dans la rue palestinienne.
A l'opposé, les mouvements du Hamas et du Djihad Islamique, les deux groupes armés de l'enclave gazaouie, ont récemment appelé les Palestiniens à continuer les attaques contre les colons israéliens.
Engluée dans la misère sociale et économique, la jeunesse palestinienne décide souvent d'en découdre elle-même avec les autorités israéliennes. En effet, ce sont majoritairement des jeunes de Cisjordanie, sans obédience à un parti traditionnel, qui prennent les armes.
Blessé par des tirs de l'armée israélienne, le jeune Hamad Moustafa Abou Jildeh de 24 ans est finalement décédé le 11 septembre. Deux Palestiniens ont également été tués le 1er septembre lors d'affrontements avec les forces israéliennes dans deux localités différentes de Cisjordanie occupée, ont indiqué des responsables palestiniens. Le 13 août, un Palestinien de 26 ans a tiré sur un bus qui revenait du mur des Lamentations, à Jérusalem, blessant huit personnes, dont une femme enceinte. Le 9 août, l’armée israélienne a encore abattu trois Palestiniens lors d’une incursion à Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. Parmi eux, Ibrahim Al-Nabulsi, 19 ans, était l’un des symboles de cette nouvelle génération.
Les Palestiniens face aux bulldozers des expropriations
La jeunesse palestinienne accuse Tsahal d'exactions et de vexations quotidiennes : les nombreux contrôles, la pauvreté et l'absence d'espoir et peut-être surtout, la colonisation inexorable d'une partie de la Cisjordanie.
En 1989, on dénombrait environ 70 000 colons, aujourd’hui ce chiffre a été multiplié par 10 : 710 000 Israéliens habitent dans les territoires occupés, ce qui représente 23% de la population en Cisjordanie. Et l'Etat hébreu maintient ses ambitions envers et contre tout : en mai dernier, alors que les Palestiniens enterraient la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh, tuée par une balle israélienne, Naftali Benett, alors premier ministre, avait annoncé la construction de plus de 4 400 logements dans les colonies de Cisjordanie.
En avril 2021, l'organisation humanitaire international Human Right Watch (HRW) publiait un rapport de 213 page intitulé «Un seuil franchi» dans lequel elle accuse les autorités israéliennes de commettre des «crimes d’apartheid» et des «persécutions» à l’encontre des Palestiniens vivant dans les territoires occupés. L’organisation énumère «les lois, les politiques et les déclarations de hauts responsables israéliens» qui viseraient à «maintenir la domination juive israélienne sur la démographie, le pouvoir politique et la terre».
La réaction ne s’est pas fait attendre. Gabi Ashkenazi, ministre israélien des Affaires étrangères, avait réagi avant même la publication du rapport, déclarant auprès de l’Agence France Presse (AFP) qu’il s’agissait «d’un tract de propagande» rédigé par une ONG avec «un agenda anti-israélien».
Une opération d'Israël attendue dans le nord
Toujours est-il qu'Israël s'apprête à mener une opération de grande ampleur dans le nord pour enrayer la recrudescence des violences en Cisjordanie. A l'approche des fêtes juives qui auront lieu à la fin du mois de septembre, les forces de sécurité en Israël sont en état d'alerte maximale. Une source militaire a déclaré le 9 septembre à la chaîne israélienne I24 : «les prochains jours seront des moments tests, partout où l'Autorité palestinienne n'agit pas Israël interviendra et augmentera son action».
Cette situation pour le moins tendue alerte même les autorités égyptiennes. La chaîne israélienne Kan a déclaré le 11 septembre soir que des responsables égyptiens auraient mis en garde Israël contre la poursuite de ses opérations militaires en Cisjordanie occupée. La chaîne a indiqué que l'Égypte était préoccupée par l'escalade en Cisjordanie ces derniers jours, notant que les responsables égyptiens avaient averti Israël que la situation pourrait devenir incontrôlable et avaient également formulé des critiques.
En mai 2021, la guerre express entre Gaza et Israël n'avait été que le prolongement des tensions en Cisjordanie et à Jérusalem-est.