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«Crise humanitaire majeure» : des millions de Britanniques menacés de pauvreté énergétique

Selon plusieurs études, la hausse des tarifs de l'électricité et du gaz au Royaume-Uni va plonger de nombreux ménages britanniques dans une grande précarité. Il s'agira d'un dossier brûlant pour le futur Premier ministre britannique.

Le futur Premier ministre britannique, dont le nom sera dévoilé le 5 septembre, devra répondre en urgence à la flambée des factures de l'électricité qui étrangle ménages, écoles, hôpitaux et entreprises au Royaume-Uni, avec une croissance au point mort. 

Des transports aux postiers en passant par les dockers et les avocats, les grèves continuent à s'étendre. La crise du coût de la vie a en effet pris un tour dramatique, avec l'annonce le 26 août par le régulateur de l'énergie Ofgem d'une hausse de 80% des factures d'énergie pour les ménages en octobre, qui pourrait porter l'inflation, déjà à plus de 10%, jusqu'à 22% selon les prévisions les plus pessimistes.

L'AFP a d'ailleurs relayé deux études alarmistes, publiées le 1er septembre. La pauvreté énergétique – la difficulté à accéder à l'énergie domestique, en particulier pour le chauffage – causera une «crise humanitaire» qui touchera des millions d'enfants dans le pays, où la flambée du coût de la vie pourrait pousser trois millions de personnes dans la pauvreté absolue.

Maisons insuffisamment chauffées, stress accru dans les ménages qui ont du mal à joindre les deux bouts : les enfants britanniques sont exposés à d'importants risques sanitaires, sociaux et éducatifs, selon un rapport de l'Institute of Health Equity (IHE), institut de recherche sur les inégalités de santé, cité par l'agence de presse le 1er septembre. «Ce type d'environnement signifiera que des milliers de personnes mourront plus tôt qu'ils ne le devraient et, en plus de dommages pulmonaires chez les enfants [dans des logements froids], le stress toxique peut affecter de façon permanente leur développement cérébral», résume Michael Marmot, directeur de l'institut, dans un communiqué. Sans une intervention efficace du gouvernement, l'institut craint une «crise humanitaire majeure», qui verrait plonger d'ici janvier plus de la moitié des ménages britanniques dans la pauvreté énergétique.

Ce type d'environnement signifiera que des milliers de personnes mourront plus tôt qu'ils ne le devraient

La hausse du coût des énergies va logiquement de pair avec une baisse du revenu disponible réel des ménages (c'est-à-dire ajusté après l'inflation) : ce dernier est en passe de chuter de 10% au cours de cette année et de l'année prochaine, la plus forte baisse du niveau de vie depuis un siècle, selon le centre de réflexion Resolution Foundation. Cela représenterait 3 000 livres (environ 3 473 euros) de moins par an pour un ménage moyen et «la crise du niveau de vie s'étendra bien au-delà de cet hiver, jusqu'à l'année prochaine et 2024», ajoute le centre de réflexion dans une autre étude.

De manière générale, le nombre de personnes «vivant dans la pauvreté absolue» au Royaume-Uni devrait augmenter de trois millions, pour atteindre 14 millions en tout, selon la fondation, pour laquelle un soutien de dizaines de milliards de livres du prochain gouvernement est inévitable.

Plus d'un Britannique sur deux bientôt en situation de pauvreté énergétique ?

Dans ce contexte de précarité économique particulière pour les ménages, les difficultés à accéder à l'énergie occupent une place singulière : selon l'université de York, 58% des Britanniques (soit près de 39 millions) pourraient se retrouver en situation de pauvreté énergétique dès l'an prochain.

Le média spécialisé dans l'énergie, L'Energeek, estime que «les factures d’électricité impayées [cet été] représent[aient] un total de 1,3 milliard de livres [environ 1,51 milliard d'euros] au Royaume-Uni [...] les ménages britanniques n'[ayant] tout simplement plus les moyens de faire face à la hausse des prix de l'énergie».

Deuxième fournisseur d'électricité chez les Britanniques et exploitant de centrales nucléaires, EDF, par la voie de son directeur commercial Phillippe Commaret, explique auprès de l'AFP observer «une situation de très grand stress chez [leurs] clients». «La dette moyenne par client a augmenté de 30% [...] Je dirais qu'environ un tiers de nos clients sont en situation de précarité énergétique et 20% de plus pourraient le devenir», ajoute-t-il.

Le mix électrique au Royaume-Uni dépend énormément du gaz pour l'électricité et le chauffage et donc, jusque-là, du gaz russe. Londres subit par conséquent de plein fouet la forte hausse des prix de gros, liée en partie au conflit en Ukraine et aux sanctions occidentales contre la Russie. L'Ofgem avertit en outre que «les prix pourraient empirer considérablement en 2023».

Il est néanmoins à noter qu'avant la crise actuelle, de nombreux ménages britanniques rencontraient déjà des difficultés à chauffer correctement leur logement, du fait notamment d'une mauvaise isolation de leurs habitations. Selon une étude publiée en 2018 par l'ONG National Energy Action (NEA) et le think tank E3G, 3 200 décès (soit 10% des décès liés à la surmortalité hivernale) étaient alors «liés à la précarité énergétique, c’est-à-dire lorsque [les] logements mal isolés sont occupés par un ménage dont les ressources financières trop faibles ne lui permettent pas d’atteindre un niveau de confort thermique acceptable». 

Quelles aides pour les ménages ?

Le ministre de l'Economie Nadhim Zahawi a promis fin août que «l'aide arriv[ait], avec 400 livres [environ 463 euros] de rabais sur les factures d'énergie pour tous, 650 livres [environ 753 euros] pour les ménages vulnérables et 300 livres [environ 347,50 euros] pour les retraités».

La favorite pour prendre la succession de Boris Johnson à la tête du parti conservateur, Liz Truss, a jusqu'alors privilégié les baisses d'impôts (plusieurs dizaines de milliards d'euros) et assuré que les aides directes étaient des «pansements», les qualifiant d'«aumônes». Le 1er septembre dans The Sun, elle a cependant assuré que si elle devenait Premier ministre, elle fournirait «un soutien immédiat pour que les gens ne soient pas confrontés à des factures de carburant inabordables».

Son rival et ancien ministre des Finances, Rishi Sunak, a martelé que la maîtrise de l'inflation était sa priorité, estimant que les plans de réduction des impôts de Liz Truss étaient trop audacieux et promettant d'apporter en revanche plus d'aides directes aux consommateurs.