Suite à une conversation téléphonique, le 23 août, entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son homologue française Catherine Colonna au sujet de l'envoi d’une mission d’experts de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur le site de la centrale nucléaire de Zaporojié, les deux parties ont livré une version différente du contenu des discussions. La porte-parole de la diplomatie russe a même dénoncé des «interprétations déformées» de Paris. Quiproquo, volonté de briller ou tentative de minimiser le rôle de l'allié ukrainien dans les incidents autour de la centrale ?
La diplomatie française a en tous les cas publié un communiqué mentionnant, outre l'accord de principe des deux parties sur l'envoi rapide des experts, un «engagement» de Moscou à «s’abstenir de toute action susceptible de mettre en danger la sécurité de cette mission» de l'AIEA.
Or, le communiqué de la diplomatie russe sur le sujet ne mentionne nullement une telle garantie : s'il évoque une discussion détaillée sur la situation autour de la centrale nucléaire et sur «les opportunités existantes pour organiser la visite de la mission de l'AIEA», le texte rapporte que Sergueï Lavrov a insisté sur le danger d'une catastrophe nucléaire que les bombardements de Kiev sur le site créait pour les populations européennes, bombardements effectués selon lui «avec le consentement de ses sponsors étrangers». Aucune trace, donc, d'un «engagement» de Moscou qui aurait été obtenu par la diplomatie française.
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a d'ailleurs commenté l'affaire en dénonçant des «interprétations déformées et grossières» du contenu des échanges entre les deux parties. «Tout est présenté comme si la partie française avait quasiment "fait passer" sa position», a tancé la diplomate, soulignant qu'«en réalité, Sergueï Lavrov a mis toutes les choses au clair et a fermement appelé Paris à avoir une influence sur ses protégés de Kiev qui ont perdu la tête» en continuant à procéder à de dangereux bombardements sur «la centrale nucléaire de Zaporojié, la ville d'Energodar et les zones adjacentes».
«Mettre la sécurité nucléaire au premier plan»
Selon la porte-parole, le fait que la mission de l'AIEA n'ait pas encore eu lieu est profondément regrettable, alors même que Moscou aurait donné son accord à une mission internationale de l'AIEA à la centrale nucléaire de Zaporojié dès le début du mois de juin, avant même l'escalade des tensions sur place.
«La Russie [...] est intéressée à l'idée que les représentants de l'AIEA [...] voient de leurs propres yeux les conséquences dévastatrices des bombardements ukrainiens» et puissent établir «une évaluation objective et sérieuse» de la situation, a poursuivi Maria Zakharova. Par conséquent, a-t-elle complété, Moscou appelle les pays occidentaux à «cesser de complaire [...] aux caprices du régime de Volodymyr Zelensky et à mettre la sécurité nucléaire au premier plan», invitant même Paris à «rabrouer» le gouvernement de Kiev sur ce dossier.
La situation autour de la centrale nucléaire de Zaporojié – sous contrôle de la Russie – suscite de vives préoccupations internationales, le site ayant été la cible de récents bombardements. Moscou a mis en cause des tirs délibérés de Kiev, tandis que l'Ukraine a accusé les forces russes d'utiliser le site de la centrale comme une base de tir, ce qu'elles ont démenti. Le déploiement d'une mission de l'AIEA sur le site a été évoqué par Vladimir Poutine et Emmanuel Macron au cours d'un entretien téléphonique le 19 août, les deux chefs d'Etat s'étant alors entendus sur l'importance d'envoyer une mission de l'AIEA «dans les plus brefs délais».
L'AIEA elle-même a publié un communiqué le 23 août pour souligner l'urgence d'une telle visite, espérant qu'elle puisse avoir lieu dans les jours à venir. Le même jour, le président français a exhorté la communauté internationale à ne faire preuve d'«aucune faiblesse, d'aucun esprit de compromission» face à la Russie, réaffirmant son soutien à l'Ukraine.