La présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis, Nancy Pelosi, a quitté Taïwan le 3 août, au terme d'une visite de moins de 24h à laquelle Pékin a répondu par des menaces et des annonces d'exercices militaires.
L'élue de 82 ans a salué les dignitaires sur le tarmac de l'aéroport de Songshan à Taipei avant de monter à bord d'un avion militaire américain qui a décollé à 18H00, d'après des images retransmises en direct par les télévisions. Son bref séjour a déclenché l'ire de Pékin, qui considère Taïwan comme partie intégrante de son territoire.
«Il s'agit d'une véritable farce. Les Etats-Unis violent la souveraineté de la Chine sous le couvert de la soi-disant "démocratie"», a dénoncé le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, affirmant que «ceux qui offensent la Chine seront punis». Dans la soirée du 2 août, le gouvernement chinois a d'ailleurs convoqué l'ambassadeur américain à Pékin, Nicholas Burns. Le vice-ministre des Affaires étrangères, Xie Feng, a quant à lui exprimé les «protestations fermes» de son pays. La visite de Nancy Pelosi à Taipei «est extrêmement choquante et les conséquences seront très graves», a-t-il ajouté, selon l'agence Chine Nouvelle.
Le ministère chinois de la Défense a promis des «actions militaires ciblées», avec une série de manœuvres militaires autour de l'île qui commenceront le 4 août, dont «le tir à munitions réelles de longue portée» dans le détroit de Taïwan, qui sépare l'île de la Chine continentale. Ces exercices «constituent une mesure nécessaire et légitime afin de répliquer aux graves provocations de certains politiciens américains et des indépendantistes taïwanais», a déclaré à la presse Hua Chunying, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Taïwan ne reculera pas
«Face à des menaces militaires délibérément accrues, Taïwan ne reculera pas» a réagi la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen. «Nous allons [...] continuer à défendre la démocratie», a-t-elle affirmé lors de sa rencontre avec Nancy Pelosi, qu'elle a remerciée pour avoir «pris des mesures concrètes pour montrer [son] soutien indéfectible à Taïwan en ce moment critique». Selon les coordonnées publiées par l'armée chinoise, une partie des opérations militaires doivent avoir lieu à 20 kilomètres des côtes de Taïwan. «Certaines des zones des manœuvres de la Chine empiètent sur [...] les eaux territoriales de Taïwan», a déclaré le porte-parole du ministère taïwanais de la Défense Sun Li-fang, dénonçant «un acte irrationnel visant à défier l'ordre international». Les autorités taïwanaises ont également signalé, dans la nuit du 2 au 3 août, qu'une vingtaine d'avions militaires chinois avaient pénétré dans la zone d'identification de défense aérienne de l'île, une zone bien plus large que son espace aérien.
Le Conseil des affaires continentales, l'organisme qui définit la politique du gouvernement taïwanais à l'égard de Pékin, a accusé la Chine de pratiquer une «intimidation vicieuse» qui aura «un impact sérieux sur la paix et la prospérité de l'Asie de l'Est toute entière». Le Japon s'est quant à lui dit «préoccupé» par les exercices chinois, affirmant que certains d'entre eux allaient empiéter sur sa zone économique exclusive (ZEE).
La Chine met en place des sanctions économiques
De son côté, Pékin a également annoncé adopter des sanctions économiques, dont une suspension de l'exportation vers Taïwan de sable naturel, un composant clé dans la fabrication de semi-conducteurs, l'une des principales exportations de l'île. En outre, l'administration chinoise des douanes a suspendu l'importation des agrumes et de certains poissons de Taïwan.
La visite de la présidente démocrate de la Chambre des représentants a ravivé les tensions entre Washington et Pékin, alors que la Chine comme la Russie avaient mis en garde les Etats-Unis contre le maintien d'un tel déplacement, vu comme une provocation majeure. Le 28 juillet, lors d'un entretien téléphonique avec son homologue américain, le président chinois Xi Jinping avait appelé les Etats-Unis à ne «pas jouer avec le feu», alors que de précédentes visites de responsables américains dans l'île, conjuguées à la poursuite de ventes d'armes à Taipei, avaient déjà irrité les autorités chinoises.
Si Washington s'est longtemps abstenu de dire clairement si les Etats-Unis défendraient ou non militairement l'île en cas d'attaque chinoise, plusieurs déclarations de Joe Biden ont semé le trouble quant au maintien de cette ligne, puisqu'il a laissé entendre que les Etats-Unis riposteraient dans ce cas de figure. Selon des sources militaires américaines, plusieurs navires américains croisent dans la région, dont le porte-avions USS Ronald Reagan. A plusieurs reprises, le ministère chinois de la Défense a assuré que l'Armée populaire de libération était prête à déclencher un conflit si «l'unité de la Chine» venait à être menacée. Ce 3 août, les autorités taïwanaises ont signalé l'entrée de 27 avions militaires chinois dans la zone de défense aérienne de l'île.