France

Droit à l'IVG dans la Constitution : la macronie confrontée à ses revirements

Après la décision de la Cour suprême américaine sur le droit à l'avortement, le parti macroniste préconise de faire entrer le droit à l'IVG dans la Constitution. En 2018, les députés de la majorité s'y étaient opposés.

La décision de la Cour suprême américaine de redonner aux Etats la liberté de légiférer sur l'avortement a provoqué un tollé en France, et poussé à des initiatives parlementaires alors même que la remise en question de ce droit n'est aucunement dans le débat public.

Il n’est nul besoin de brandir des peurs relatives à ce qui passe dans d'autres pays 

Le parti macroniste, par le biais de sa nouvelle présidente de groupe à l'Assemblée Aurore Bergé, a ainsi annoncé une proposition de révision constitutionnelle pour inscrire «le respect de l'IVG» dans la Constitution. Le projet, soutenu par le Premier ministre Elisabeth Borne, avait pourtant déjà été formulé par des parlementaires LFI et UDI-Agir lors de la dernière législature en 2018... et avait été refusé par LREM au motif que ce droit n'était pas remis en cause en France. 

«Il n’est nul besoin de brandir des peurs relatives à ce qui passe dans d'autres pays pour estimer que ces droit seraient menacés dans le nôtre, ça n'est absolument pas le cas aujourd'hui, rien ne vous permet de l'affirmer», avait fait valoir Yaël Braun-Pivet, la co-rapporteur du texte à l'époque, qui est appelée à prendre la présidence de l'Assemblée nationale le 28 juin prochain.

Bayrou sur la ligne LREM de 2018 

Exhumée, la vidéo de cette déclaration dans l'Hémicycle a fait grand bruit au regard de la proposition des macronistes, montrant leur spectaculaire revirement sur la question. Toutefois parmi les alliés du parti présidentiel, ce revirement ne fait pas toujours consensus. François Bayrou, le patron du MoDem a ainsi estimé que la procédure était lourde pour un droit qui n'est pas plus menacé aujourd'hui en France qu'en 2018, reprenant l'argument défendu par LREM il y a quatre ans.

«Est-ce qu'il est bon, est-ce qu'il est utile de faire ça, alors même que, à ma connaissance, aucun courant politique ne remet en cause la loi Veil ?» de 1975 qui a autorisé l'avortement en France, a déclaré le chef centriste le 16 juin. 

«C'est quand même surprenant que ce soit ce qui se passe aux Etats-Unis [...] qui entraîne un certain nombre de réactions effervescentes dans la vie politique française», a poursuivi François Bayrou, qui n'est «pas pour qu'on décalque la vie politique américaine».

Une révision constitutionnelle nécessite l'adoption du même texte par l'Assemblée et le Sénat, puis elle doit être approuvée par référendum. Autre option : si la révision a été initiée par l'exécutif, ou reprise par lui, le texte doit aussi être validé par les deux chambres mais peut être soumis au Parlement réuni en Congrès, qui doit le voter à une majorité des 3/5e des suffrages exprimés.

La gauche revient à la charge 

De son côté l'alliance de gauche Nupes à l'Assemblée compte bien faire avancer ce projet, et demande un texte commun, dans un contexte où le président de la République cherche des appuis pour consolider sa majorité relative dans la chambre basse. 

«Nous proposons le dépôt d'un texte commun à l'ensemble des groupes parlementaires qui le souhaitent pour protéger ce droit fondamental en l'inscrivant dans la Constitution dans les plus brefs délais», ont déclaré les présidents des groupes de la Nupes dans un communiqué commun.

Marine Le Pen n'exclut pas de soutenir la proposition

Si de fait, aucun parti représenté à l'Assemblée nationale n'est hostile à l'IVG, et que Marine Le Pen elle même n'a pas exclu de soutenir la proposition, le JDD a tout de même listé plusieurs élus de son groupe ayant ouvertement critiqué l'avortement. 

Non à la culture de la mort, oui à la vie

C'est le cas de Catherine Parmentier, députée du Pas-de-Calais, qui fut longtemps rédactrice pour le quotidien catholique traditionaliste Présent dans lequel elle a écrit en 2018 qu'«après avoir "génocidé" les enfants français à raison de 200 000 par an [le nombre d’avortement en France], on doit maintenant les remplacer à tour de bras par les migrants». Le député du Vaucluse Hervé de Lépinau avait lui estimé sur Twitter en 2020 que l'avortement était un acte «intrinsèquement mauvais». «Hommage aux millions de victimes de l’avortement. Non à la culture de la mort, oui à la vie», avait-il encore écrit en 2014 lors des 40 ans de la loi Veil. 

Le député RN de la Haute-Marne, Christophe Bentz, avait quant à lui estimé en 2011 que «l’avortement est un génocide de masse» et la députée du Var Laure Lavalette avait signé en 2014 un texte demandant à «abroger, à terme, le droit à l’avortement».

Le cofondateur et chef historique du FN, Jean-Marie Le Pen (exclu en 2015) était un adversaire convaincu de l'IVG : «Je considère que la légalisation de l'avortement a été une régression de plusieurs siècles et peut-être de plusieurs millénaires», expliquait-il dans l'émission L'Heure de vérité (Antenne 2) du 13 février 1984, affirmant qu'un enfant n'a d'existence légale qu'à partir de sa naissance et non lorsqu'il est à l'état de fœtus, au contraire de la loi romaine. «Je ne reconnais pour ma part pas le droit de tuer l'avenir dans la personne des enfants», avait-il ajouté. Il y voyait également un problème démographique et une remise en question fondamentale de la famille.

Son programme pour la présidentielle de 2002 faisait encore figurer l'abrogation des lois encadrant l'IVG. Marine Le Pen, opposée à cette ligne dès cette époque, a abandonné les revendications anti-IVG du FN après son arrivée à la tête du parti.