France

«Glaciale», «brutale»: Borne critiquée après avoir suggéré à une personne handicapée de retravailler

Le Premier ministre s'est vu reprocher un manque d'empathie et d'humanité après avoir invité une femme en fauteuil roulant qui lui faisait part de sa situation, à revenir vers l'emploi, au cours d'un échange sur France Bleu.

Lors d'une émission sur France Bleu le 7 juin, Elisabeth Borne a suggéré à l'une des auditrices, une personne handicapée privée de l’allocation adulte handicapée (AAH) en raison des revenus de son mari, de solliciter un accompagnement pour reprendre le travail... Et cela n'a pas échappé aux oppositions.

Visiblement émue, l'auditrice souhaitait savoir ce que le gouvernement comptait faire pour les personnes handicapées. Elle-même victime d’un «très grave accident» l'obligeant à se déplacer en fauteuil roulant, elle expliquait ne plus pouvoir travailler. «J’ai fait la demande d’AAH, mais dans la mesure où mon époux touche 1 800 euros malgré un loyer de 1 000 euros à Nice, on me dit que je n'ai le droit à rien car on dépasse les plafonds. Sans mon époux, je serais à la rue», détaille Dolorès.

«J’entends votre émotion», répond d’abord Élisabeth Borne en évoquant d'autres aides sans conditions de ressources, mais aussi un éventuel accompagnement «pour reprendre une activité professionnelle». «J’adore quand madame la Première ministre dit de reprendre une vie professionnelle, mais vous savez quand vous arrivez en fauteuil…», réagit alors son interlocutrice, des sanglots dans la voix. Le Premier ministre concède alors que «peut-être, ce n’est pas le moment de parler de cette reprise professionnelle».

C’est l’histoire d’une rencontre avec un bloc de glace

La gauche a vivement réagi à cet échange, qui reflète selon elle un manque d'empathie et d'humanité de l'ancienne ministre du Travail. «Technocrate brutale, Elisabeth Borne humilie par erreur ou par goût ?», s'est interrogé Jean-Luc Mélenchon. «Elle humilie une femme en fauteuil», a dénoncé le leader des Insoumis, tout en rappelant qu'elle a aussi été à l'initiative de la réforme de l'assurance-chômage, ce qui lui aurait permis de «faire les poches» des allocataires.

Pour le Parti socialiste, Olivier Faure n'a pas été en reste. «C’est l’histoire d’une rencontre avec un bloc de glace», a-t-il attaqué, promettant que la coalition de gauche voterait la déconjugalisation de l'AAH.

La froideur des propos tenus par Elisabeth Borne a aussi fait réagir le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, qui a jugé l'échange «glacial» et le Premier ministre «insensible».

A droite, Marine Le Pen a, sur le même registre, dénoncé la «réaction glaciale» du Premier ministre, qui traduit selon elle «la politique injuste, inhumaine et méprisante d’Emmanuel Macron», tout en se prononçant aussi pour une évolution du calcul de l'AAH.

«Tout simplement indigne», a jugé laconiquement Xavier Bertrand, président Les Républicains de la région des Hauts-de-France. François Asselineau, pour l'Union populaire républicaine, s'est aussi élevé contre un «manque d'empathie» d'Elisabeth Borne.

«Choisissez l'amour» : Emmanuel Macron s'est engagé à réformer l'AAH

Comme le souligne Le Parisien, «la scène est d’autant plus dérangeante pour la Première ministre qu’Emmanuel Macron avait déjà abordé le sujet de la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé lors de la campagne pour l’élection présidentielle». Mi-avril, le chef de l'Etat avait en effet critiqué sur France Info le caractère inadapté des dispositifs actuels et s'était engagé à «bouger sur ce point». «Choisissez l'amour», avait-il alors suggéré à une autre interlocutrice handicapée présente sur le plateau, qui lui faisait part de sa crainte de devenir «dépendante financièrement» lorsqu'elle aurait épousé «l'homme de [sa] vie».

La réforme de l'AAH a donné lieu à des tensions à l'Assemblée entre la majorité présidentielle et les oppositions : en juin 2021, gauche et droite confondues avaient décidé de quitter l'hémicycle afin de protester contre le blocage orchestré par la majorité contre l'individualisation de cette allocation, créée en 1975 pour compenser l'impossibilité de travailler pour certains handicapés.