France

Le gouvernement soupçonné de favoritisme dans l'attribution d'un marché public

Des courriels révélés par Le Monde suggèrent qu'un contrat de 100 000 euros a été attribué au communicant Pierre-Jérôme Hénin à l'encontre des règles des marchés publics. En connaissance de cause.

Selon un article Le Monde mis en ligne le 6 juin, des documents suggèrent que le gouvernement se serait rendu coupable de favoritisme dans l'attribution d'un marché à public au communicant Pierre-Jérôme Hénin, en 2018.

Selon des courriels internes échangés entre hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangère, le gouvernement aurait ainsi confié un contrat de plus de 100 000 euros au communicant en s'émancipant d'une règle élémentaire pour ce type de marchés, à savoir la mise en concurrence. Pis encore, à en lire les échanges, les fonctionnaires auraient parfaitement eu conscience de leur comportement litigieux, pour ne pas dire illégal.

L'affaire concerne le lancement d'une série de «consultations citoyennes sur l’Europe» par Emmanuel Macron en 2018, dont le but était de faire émerger des idées pour réformer l'UE. Le gouvernement mandate alors une vingtaine de conseillers ministériels et hauts fonctionnaires, rattachés au Quai d’Orsay, qui ont pour mission d'élaborer le cadre et la méthode des centaines de réunions à venir.

Pour assurer la communication de l'événement, les conseillers décident de faire appel à un prestataire privé, et lancent donc – comme le veut la loi – un appel d'offres. Trois cabinets spécialisés en communication se montrent intéressés. Or à la lecture des courriels, les jeux seraient déjà faits.

«Il est d’ores et déjà prévu d’attribuer [le marché] à Progressive Company, l’une des sociétés de M. Pierre-Jérôme Hénin», écrit à ses supérieurs Marie-Claude B. présentée par Le Monde comme «l’une des employées du ministère des Affaires étrangères chargée du dossier». Comme le montre une capture d'écran de l'un des courriels, le message est ainsi envoyé le 29 mars, soit douze jours avant la date butoir de dépôt des offres. Selon un avocat spécialisé interrogé par le quotidien, «ce courriel, édifiant, pourrait trahir des consignes données en interne sur l’attribution du marché, qui iraient à l’encontre des règles des marchés publics».

En tout état de cause, la fonctionnaire Marie-Claude B. semble avoir exprimé sa préoccupation sur le caractère pour le moins litigieux de la procédure. Dans le même courriel, adressé à Michel Pollez, le chef du bureau des marchés publics du ministère, elle s’inquiète en effet des «risques contentieux» en ces termes : «Vous comprendrez qu’il est dans notre intérêt que l’attribution de ce marché le soit "dans les règles de l’art", car, compte tenu de l’expérience professionnelle de M. Hénin, des candidats évincés pourraient penser que "l’affaire était jouée d’avance" et en faire une publicité désagréable pour nos hiérarchies.»

Contacté par Le Monde pour s'exprimer sur le dossier, le ministère des Affaires étrangères n’a pas donné suite. Sous couvert d'anonymat, un des conseillers ministériel défend le choix du prestataire : «Pierre-Jérôme Hénin avait une parfaite connaissance du Quai d’Orsay et des affaires européennes. Une fois choisi, il a énormément bossé, et nous a permis d’ouvrir à Bruxelles des portes auxquelles on n’aurait pas eu accès.»

De son côté, Pierre-Jérôme Hénin conteste s'être arrangé en amont de l'appel d'offre avec le Quai d'Orsay: «J’ai simplement vu qu’il y avait un appel d’offres et décidé d’y répondre. Quant à leur cuisine interne, je ne suis pas capable de vous répondre.»