France

Ateliers en «non-mixité raciale»: la dissolution du syndicat Sud Education 93 rejetée par la justice

La demande de dissolution du syndicat Sud Education 93 par 5 parlementaires a été rejetée le 2 juin par le tribunal judiciaire de Bobigny. Les juges n'ont pas retenu le caractère discriminatoire des ateliers en «non-mixité raciale» du syndicat.

Le tribunal judiciaire de Bobigny a rejeté ce 2 juin la demande de dissolution du syndicat Sud Education 93, attaqué par cinq parlementaires Les Républicains pour avoir organisé des ateliers en «non-mixité raciale» en 2017 et 2019.

«L'objectif poursuivi par le stage litigieux n'était pas de prôner la discrimination entre les personnes mais au contraire de critiquer de prétendues discriminations raciales à l'école», écrivent les juges de la 9e chambre du tribunal dans leur décision.

En décembre 2017, dans le cadre du stage «Au croisement des oppressions, où en est-on de l'antiracisme à l'école ?», ce syndicat minoritaire de l’Education nationale avait proposé aux enseignants plusieurs ateliers, dont deux en «non-mixité raciale». Ceux-ci visaient les «enseignant.e.s non-blanc.he.s», le premier pour élaborer «des outils pour déconstruire les préjugés de race, de genre et de classe», le second pour un partage d'expérience sur leur «vie professionnelle différente». En parallèle, l'atelier «interroger nos représentations et nos postures dominantes» était destiné aux «enseignant.e.s blanc.he.s».

En 2019, Sud Education 93 avait à nouveau proposé un atelier en non-mixité.

Selon les juges, les ateliers en non-mixité ne méconnaissent pas le principe de fraternité 

«Ces deux ateliers en miroir, partant du constat, exact ou erroné, de situations différentes des enseignants dans l'institution selon qu'ils sont blancs ou non, proposent une réflexion sur cette situation [...] plutôt qu'ils ne révèlent une volonté de la pérenniser ou de l'aggraver au détriment du principe de fraternité», ont tranché les juges. L'examen de ce dossier devant le tribunal, le 17 mars, avait réactivé le débat sur deux visions opposées de la lutte antiraciste.

Pour les demandeurs, cinq parlementaires Les Républicains (un n'a plus de mandat depuis), ces ateliers produisaient de «la discrimination indirecte contraire aux valeurs de la République» via «l'injonction morale» faite aux enseignants blancs de ne pas se présenter, a soutenu leur avocat Kevin Poujol.

«Personne n'était là pour dire "tu n'as pas à être là, tu t'en vas"», avait rétorqué Raphaël Kempf, le conseil de Sud Education 93. L'avocat avait par ailleurs soutenu que les ateliers en non-mixité étaient «un outil de lutte et réflexion collective très utile», notamment utilisé dans la lutte féministe. L'ancien ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer avait déposé deux plaintes pour «diffamation» puis pour «discrimination» à la suite de ces stages. Elles avaient été classées sans suite par le parquet de Bobigny. 

Le syndicat s'est félicité de l'issue du contentieux sur son compte Twitter : «ON A GAGNÉ ! Plus d'infos très vite ! Merci Raphaël Kempf qui nous a défendu-es contre 5 parlementaires LR qui voulaient dissoudre Sud Education 93.»

Thomas Portes, co-fondateur de l'Observatoire National de l’Extrême droite et candidat de la NUPES aux élections législatives, a fait part de sa satisfaction du jugement rendu : «Soulagement avec la victoire de Sud Education 93 face à 5 parlementaires LR qui demandaient la dissolution du syndicat.»

Le syndicaliste Anasse Kazib s'est quant à lui réjoui de la «victoire sur les réactionnaires».

Le syndicat Sud Education 93 avait déjà fait parler de lui en 2017 pour ses ateliers en «non-mixité». Il avait réitéré en 2019, provoquant la désapprobation de Jean-Michel Blanquer alors ministre de l'Education nationale qui jugeait ces ateliers «contraire[s] aux valeurs de l'école républicaine».