Fabien Roussel a-t-il bénéficié d’un emploi fictif ? C’est la question que pose l’enquête de Mediapart sur le candidat communiste (PCF) à la présidentielle publiée le 20 février. S’attardant sur la période où il était assistant parlementaire du député du Nord Jean-Jacques Candelier de 2009 à 2014, Mediapart souligne l’absence de trace de travail laissée par Fabien Roussel et les témoignages flous autour de son activité.
Si l’intéressé aurait touché, selon Mediapart, 3 000 euros par mois – soit un tiers de l’enveloppe de Jean-Jacques Candelier –, il serait en revanche incapable de fournir le moindre élément matériel permettant de retracer son activité parlementaire.
Mediapart a contacté diverses personnalités du PCF, Jean-Jacques Candelier en premier lieu. Si ce dernier est réputé pour son activité prolifique et rigoureuse lors de son passage à l’Assemblée nationale, les conversations rapportées par Mediapart n’ont pas clarifié la situation de son ancien assistant parlementaire.
Concernant sa rémunération, l'ancien député a ainsi reconnu que le salaire des permanents du parti communiste était issu des enveloppes consacrées aux collaborateurs parlementaires, prétexte que «c’était des habitudes» avant de se féliciter d’avoir mis un terme au contrat de Fabien Roussel avant que n’éclate l’affaire des assistants parlementaires du Front national et du MoDem.
Jean-Jacques Candelier a en outre assuré que Fabien Roussel «travaillait sur les dossiers importants de l’Assemblée nationale», mais en restant vague sur ces derniers. De même, le lieu de travail de Fabien Roussel n’a pas été clairement identifié. L’ancien député du Nord aurait cité ainsi la mairie de Bruille-lez-Marchiennes, commune qu’il dirige depuis 1977, sa permanence à Somain ou encore Paris où le candidat communiste à la présidentielle serait venu «en tant que responsable du parti».
Une autre assistante de Jean-Jacques Candelier contactée par Mediapart s’est montrée tout aussi floue en arguant ne plus se souvenir des tâches effectuées par son ancien collègue. Un autre ancien permanent du PCF, Eric Renaud, a d’ailleurs affirmé que «Fabien Roussel a toujours été un permanent du parti». Enfin, un autre témoignage recueilli par Mediapart affirme que Fabien Roussel aurait été invisible : «On ne le voyait pas, on ne travaillait pas avec lui.»
Jean-Jacques Candelier a cependant réagi à la publication de l'enquête de Mediapart en se disant «surpris et indigné». Il a décrit Fabien Roussel comme «un collaborateur précieux et efficace, sur le terrain, constamment en relation avec de nombreux acteurs syndicaux, des élus, des habitants» et a loué sa «connaissance très fine de la situation économique et sociale» ainsi que ses «liens étroits avec de nombreux acteurs du territoire».
Des allégations niées en bloc par le candidat communiste qui assure avoir des «documents»
Fabien Roussel, lui, assure avoir alimenté auprès de Jean-Jacques Candelier «ses travaux, ses discours, ses questions au gouvernement de [son] travail avec les acteurs sociaux et politiques du département et de sa circonscription». Il a également affirmé avoir travaillé en circonscription «afin de nourrir l’action et l’ancrage de terrain de [son] député».
Interrogé sur Europe 1 le 21 février, le candidat communiste a ironisé sur la «révélation» de Mediapart au sujet de son passé d’assistant parlementaire, arguant : «Je suis trop respectueux du travail des journalistes et de la presse, c’est aussi ça la démocratie, pour le remettre en cause.»
«Je dis aujourd’hui que j’ai travaillé pendant ces cinq années avec Jean-Jacques Candelier, avec les collègues que j’avais auprès de lui», a-t-il ajouté, assurant qu’ils pourront témoigner «du travail que nous avons fait ensemble».
Fabien Roussel est également revenu sur le montant de sa rémunération, affirmant qu’elle n’était pas de 3 000 euros, en assurant détenir «les documents pour présenter, d’abord [son] salaire», en ces termes : «J’ai commencé à 2 460 euros nets en 2009, je crois que j’ai fini à 2 700». La déclaration de Fabien Roussel lui-même auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique atteste néanmoins bel et bien un salaire à hauteur de 3 000 euros par mois de 2013 à juin 2014.
Sur la question concernant plus précisément les éléments matériels de son travail, le candidat a cependant refusé de livrer des informations précises, arguant qu’il avait accompagné le travail de Jean-Jacques Candelier en circonscription ou à l’Assemblée nationale. «J'ai été avec lui, et sans lui, pour suivre des conflits dans le Douaisis, chez lui, [...] j'ai les documents du travail que j'ai fait avec lui sur ces sujets, avec des syndicalistes», s'est justifié le candidat communiste.
Malgré l’insistance de Sonia Mabrouk qui l’accusait de «tourner autour du pot», Fabien Roussel s’est donc contenté d'indiquer qu’il avait «les documents du travail» effectué avant de réfuter les demandes de Mediapart. Insistant sur la nature «politique» de ses tâches et malgré une comparaison avec François Fillon, le candidat communiste n’a pas démordu en lâchant finalement qu’il dévoilerait les documents en sa possession en temps voulu : «Je les montrerai», a-t-il lancé.
Commentant également les témoignages tendant à démontrer son absence de travail, Fabien Roussel s'est contenté de les qualifier de bisbilles politiciennes : «Ils ont enquêté en interrogeant des gens qui sont en guerre contre moi. Je n'ai pas que des amis, c'est normal [...] Mais j'ai des dizaines de personnes qui pourront dire ce que nous avons fait ensemble, les combats que nous avons même gagnés ensemble avec Jean-Jacques Candelier.»
Du côté du PCF, sa porte-parole, Cécile Cukierman, a rappelé qu'«aujourd’hui, la loi ne définit pas de fiche de poste type, de traçabilité du travail des assistants parlementaires», et que si Fabien Roussel «a fait le choix» de ne pas répondre aux «demandes» de Mediapart, pour autant «ce n'est pas pour cela qu'il est coupable».
François Bayrou, incriminé dans l'affaire des assistants parlementaires susmentionnée, a lui aussi exprimé son soutien sur France 2 à Fabien Roussel en affirmant que «ce qui est reproché à Fabien Roussel, c'est toujours la même histoire : c'est une espèce de dévoiement judiciaire de choses absolument normales», avançant qu'il était normal selon lui «qu'un député faisant de la politique, son assistant [l']aide aussi à faire de la politique».