Economies sur les APL, logement social en berne... Dans son rapport annuel sur le mal-logement rendu public le 1er février, la fondation Abbé-Pierre (FAP) dresse un constat sévère du quinquennat d'Emmanuel Macron, «pas à la hauteur» des enjeux à ses yeux. Ce 2 février, le président français doit d'ailleurs intervenir en vidéo lors de la journée de présentation du rapport à Paris, tandis que plusieurs candidats de gauche à l'élection présidentielle (Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel, Christiane Taubira) interviendront dans l'après-midi.
Si la fondation dénonce un «aveuglement des responsables politiques» en général sur la question du logement, c'est envers le gouvernement sortant qu'elle est la plus cinglante dans son volumineux et exhaustif rapport, largement consacré au bilan du quinquennat. «De manière générale, il apparaît que le logement n'a jamais été une priorité de l'exécutif au cours de ce mandat», dénonce-t-elle. Elle salue cependant les efforts pour ramener dans le logement les personnes sans domicile et pour améliorer la rénovation énergétique des bâtiments, mais pas assez pour compenser l'érosion de la création de logements sociaux ni «le refus d'une politique fiscale redistributive».
Une hausse des APL préconisée
Dans le viseur de la Fondation, la réforme des aides au logement (APL), désormais calculées en fonction des revenus récents et non plus ceux qui remontent à deux ans auparavant. «Guère contestable sur le principe, [...] cette réforme fait surtout des perdants», juge-t-elle, avec 1,1 milliard d'euros d'économies faits par l'Etat en 2021.
Le sujet des APL est politiquement sensible depuis le tollé suscité, en 2018, par l'annonce de leur réduction de 5 euros. La Fondation propose de revaloriser les APL, et de les articuler avec les minima sociaux, dont elle réclame qu'ils soient augmentés à hauteur de 50% du revenu médian (900 euros par mois) et ouverts aux 18-25 ans. Egalement dénoncée, la baisse du nombre de logements sociaux autorisés chaque année, continue pendant le quinquennat jusqu'à un rebond en 2021 : 104 800, nettement moins que les 150 000 annuels réclamés par la fondation.
A l'Elysée, on rétorque que depuis 2017, davantage de logements sociaux ont été autorisés que lors du quinquennat précédent, entre 2012 et 2016 (2,2 millions contre 2,1). Le président devrait également défendre ce 2 février le bilan de sa politique de lutte contre la pauvreté.
La fondation demande un retour au budget logement de 2012
La FAP s'inquiète de «tendances lourdes d'une crise du logement» à venir dans les prochaines années : «progression incontrôlée du prix du logement», fonctionnement «dégradé» des services publics qui porte préjudice aux plus fragiles... Les jeunes, dans l'incapacité de quitter le foyer familial, les classes moyennes, «coincées entre l'évolution des prix des logements et la stagnation de leurs revenus», et les classes populaires, de plus en plus éloignées des centres-villes, sont les principales victimes de ces évolutions.
La fondation a compté 300 000 personnes sans domicile, deux fois plus qu'en 2012, 4,1 millions de mal logées, et plus de 22 000 personnes vivant dans un lieu de vie informel (squat, bidonville...). Contre cela, elle dégaine une batterie de propositions : pour juguler la hausse des prix, elle propose un encadrement des loyers plus strict et plus large, une garantie universelle, une surtaxe des loyers «abusifs» et des transactions immobilières les plus chères, et une meilleure règlementation des locations saisonnières.
Pour les personnes défavorisées, elle demande davantage de contrôle et de sanctions, la fin des coupures d'électricité dans les résidences principales et plus d'aides à la rénovation énergétique des bâtiments. Et, pour résorber le «clivage entre propriétaires et locataires», favoriser le foncier solidaire, permettant aux ménages défavorisés de devenir propriétaires en payant leur loyer, et augmenter les droits de succession. La FAP chiffre le coût de ces mesures à 10 milliards d'euros supplémentaires par an, ce qui représenterait selon elle un retour à la situation de 2012, quand 2% du PIB était consacré au logement (contre 1,63% en 2020).