A la suite d'une demande du ministère de l'Intérieur, la préfecture de police de Paris a annoncé le 25 janvier dans un communiqué avoir repéré un lieu appartenant à la SNCF dans le XIIe arrondissement pour y installer les consommateurs de crack, regroupés depuis fin septembre porte de La Villette, dans le XIXe (nord-est).
Selon la préfecture, l'entreprise publique a donné son feu vert à l'Etat pour «le prêt et la mise à disposition» d'une de ses parcelles située à« l'intersection de deux faisceaux ferroviaires et du boulevard Poniatowski».
Pour justifier sa décision, la préfecture rappelle que «la présence des toxicomanes dans le XIXe arrondissement pénalise des riverains, des commerçants, et des usagers des transports de Paris, de Pantin, et d'Aubervilliers». Et d'expliquer que si «déplacer les usagers de drogue ne permet pas de résoudre définitivement la problématique du crack», ce transfert «est un devoir vis-à-vis des riverains du 19e et du 18e qui ont trop longtemps été éprouvés par la présence des usagers de drogue».
La préfecture souligne également que les pouvoirs publics vont continuer de renforcer leurs «efforts en matière d’accompagnement sanitaire et médico-social, qui constitue le levier principal pour résorber durablement le phénomène du crack».
«C’est une catastrophe»
La décision de la préfecture rencontre l'hostilité de la mairie de Paris. Dans un courrier adressé au préfet de police dont Le Parisien a pu se procurer une copie, Anne Hidalgo explique que «les usagers de drogue ont besoin d’une prise en charge globale, sociale et sanitaire à laquelle la succession d’opérations de police ne répond aucunement». Et de dénoncer «l’existence d’une scène ouverte de crack dont [la préfecture assume] la pérennité [et qui] provoque le rejet compréhensible de la part des riverains et disqualifie l’installation des lieux de soins et de prise en charge adaptés.»
De son côté, le premier adjoint (PS) de la capitale, Emmanuel Grégoire, a vivement dénoncé cette décision. «C’est une catastrophe, car le préfet officialise une décision sans avoir consulté la préfecture de région, l’ARS et la Ville» s'est-il indigné dans Le Parisien. Le premier adjoint prévient aussi que la mairie de Paris allait se «mobiliser pour empêcher tout ça», justifiant sa colère par le fait que la décision du Préfet actait «le droit d’acheter et de consommer du crack à ciel ouvert».
Emmanuel Grégoire a également déploré le peu de considération que la Préfecture portait aux habitants du XIIe arrondissement. «Cette décision solitaire ajoute du bazar au bazar et ça suffit. Personne ne croit que les consommateurs vont venir s’installer là comme dans un champ de patates. Ils n’iront pas. Sans parler du stress pour les investisseurs du projet Bercy-Charenton. Les conséquences sont graves. Nous demandons une réunion d’urgence du comité de suivi du crack», a t-il renchéri.
Cette décision de la Préfecture survient au lendemain d'une opération de police visant à nettoyer le camp d'usagers de crack situé près du périphérique de la Porte de la Villette, en détruisant les constructions en dur. Malgré la mobilisation des policiers, les consommateurs sont rapidement revenus sur les lieux. Toujours le 24 janvier, des habitants de Pantin, regroupés notamment dans les collectifs «93 Anti-Crack» et «Villette Village», sont venus déposer des bougies devant le mur érigé en septembre 2021 entre Pantin et la capitale, qualifié de «mur de la honte». Il s'agissait, selon les organisateurs, de fêter le «non-anniversaire» de l’installation du camp de consommateurs de crack depuis quatre mois.
Le dossier des consommateurs de crack dans la capitale suscite des mécontentements et des tensions depuis des mois : plusieurs manifestations ayant été organisées par des riverains pour dénoncer l'insécurité et l'insalubrité qui règnent dans les zones fréquentées par les toxicomanes. La mairie de Paris avait présenté en août 2021 un plan pour lutter contre la crise du crack, dont la solution controversée visant à créer de nouvelles salles de consommation, mais les emplacements de celles-ci se font attendre, notamment en raison de l'opposition de certains élus socialistes d'arrondissement, rapporte Le Parisien.