France

«Fatwa numérique» : une enseignante change d'académie après un cours sur l'évolution humaine

Alors qu'elle exerçait dans un collège dans la ville de Trappes, une enseignante a vu sa sécurité compromise après la publication sur les réseaux sociaux d'un parent d'élève qui suggérait qu'un exercice qu'elle avait donné à ses élèves était raciste.

Comme l'a rapporté le 16 janvier Le Parisien, le procureur de la République a estimé qu'une enseignante de Trappes (Yvelines) avait fait l'objet d'une «fatwa numérique» après avoir utilisé, en décembre 2020 – soit deux mois après la décapitation de Samuel Paty –, une photo du chanteur Soprano dans un cours de SVT.

Dans un exercice portant sur les critères d’appartenance à la lignée humaine, l'enseignante avait intégré le visage de l'artiste pour représenter l'homo sapiens, cherchant à attirer l'attention de ses élèves avec une figure de la scène musicale bien connue de leur génération.

Mais, alerté par sa fille sur l'outil pédagogique en question, un parent d'élève n'avait pas tardé à en publier une photographie, suggérant qu'il s'agissait d'une initiative raciste et commentant, entre autres : «Education nationale de merde. Faites tourne[r] svp on doi[t] pas accepte[r].»

Tel que le relate aujourd'hui le quotidien, c'est à ce moment qu'a commencé le calvaire de cette professeur qui, pour des raisons de sécurité, a depuis été été mutée dans une autre académie, sur conseil du renseignement territorial.

Compte tenu des éléments du dossier en leur possession et les similitudes avec les prémices de l'affaire Paty, la police a en effet estimé qu'il existait un réel risque pour l'enseignante.

Condamné à six mois de prison ferme, le parent d'élève fait appel

Le parent d’élève a l'origine de la publication – qu'il avait accepté de retirer a posteriori, tout en entretenant le doute, sur les réseaux sociaux, au sujet de l'intention de l'enseignante – a été jugé le 15 novembre 2021 et condamné à six mois de prison ferme. «Il a fait appel et sera rejugé prochainement», explique Le Parisien.

«Lors du procès, aucun représentant de l’Education nationale ne s’est déplacé et l’institution ne s’est pas constituée partie civile comme elle en avait la possibilité», précise encore Le Parisien.

Citée par le journal, la professeur de SVT, dont la vie est chamboulée depuis l'affaire, confie «ne plus [avoir] confiance dans l’institution». «Il y a des sujets sensibles en SVT comme la reproduction, la puberté ou l’évolution. Si l’Education nationale ne protège pas ses enseignants, je vais devoir m’autocensurer», explique-t-elle notamment.