Dans une décision rendue le 14 décembre, le Conseil d'Etat a rejeté le recours de particuliers et d'associations – le parti conservateur VIA, la voix du peuple en tête – ayant saisi le juge des référés pour suspendre en urgence les mesures sanitaires prises le 25 novembre dernier par le Premier ministre, à savoir la réduction à 24 heures de la durée de validité des tests et la nécessité d'une troisième dose de vaccin contre le Covid-19 pour conserver le pass sanitaire.
Les requérants avaient estimé que le décret du 25 novembre 2021 «porte une atteinte irréversible au droit au respect de la vie privée et au principe de non-discrimination en ce qu’il réduit la durée de validité du passe sanitaire et introduit des critères supplémentaires pour sa délivrance». Ils ont également jugé que ces mesures portaient une «atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés». Le recours cite par exemple le fait que le décret attaqué méconnaisse le droit au respect de la vie privée et familiale «dès lors que, en premier lieu, il rend impossible pour les personnes non-vaccinées d’accéder à la plupart des lieux de la vie courante et constitue ainsi implicitement une obligation vaccinale, notamment du fait du coût prohibitif des tests».
Pour justifier son rejet de ce référé, le Conseil d'Etat a mis en avant l'accélération de la circulation du Covid-19 lors de ces dernières semaines et l’apparition du variant Omicron. Le juge des référés a également estimé que la vaccination diminuait la contagiosité de la personne vaccinée et réduisait de manière importante le risque de développer une forme grave de la maladie. Quant aux tests, il a rétorqué que la difficulté d'obtenir rapidement un test PCR pouvait être contournée par les tests antigéniques, dont les résultats peuvent être obtenus en moins d’une demi-heure. Enfin, le juge des référés constate que le rappel vaccinal – rendu obligatoire à partir de ce 15 décembre pour les personnes de 65 ans ou plus – a été annoncé suffisamment à l’avance pour que les personnes puissent recevoir leur rappel vaccinal dans les délais (entre 5 et 7 mois après la dernière dose).
La déconnexion et la partialité du Conseil d'Etat mises en cause
Le président de VIA, la voix du peuple Jean-Frédéric Poisson a déploré le «rejet en bloc des cinq référés de VIA». «Selon le Conseil d'Etat, la liberté n'est pas bafouée, la vaccination de fait n'est pas obligatoire, les 24h de validité des tests sont justifiées. Vit-on dans la même France ?», s'est interrogé l'ancien député des Yvelines.
Florian Philippot, président du parti les Patriotes qui participait au référé, a commenté la décision du Conseil d'Etat pour qui «il n’y aura jamais de problème avec le pass sanitaire car les non-vaccinés ont la liberté de se faire vacciner». «A ce niveau, on a la confirmation que ce Conseil d’Etat est la honte du pays !», a jugé l'ex-député européen.
L'avocat Fabrice Di Vizio a commenté la «folle décision du Conseil d’Etat», qui selon lui «nous dit : "circulez, y'a rien à voir"». Evoquant le fait que le pass sanitaire ne soit pas désactivé en cas de test positif – une situation que Fabrice Di Vizio estime «un peu bête quand même» – l'avocat regrette que la juridiction ait considéré que «le moyen n'[était] pas sérieux». «Je retiens de cette décision que : "on n'est pas vacciné, on n'existe pas", et je vous garantis que si demain il s'agira de nous priver de nos droits fondamentaux, le Conseil d'Etat s'en fera une joie», a ensuite affirmé Fabrice Di Vizio, avant de conclure en ces termes : «Le Conseil d'Etat a décidé d'être aveugle et sourd à ce qui se passe. Il devra le moment venu en assumer les responsabilités.»
Essayiste et fondateur du blog Le Courrier des Stratèges, Eric Verhaeghe a résumé comme suit son avis sur la décision de la plus haute juridiction administrative française sur Business Bourse : «Le Conseil colle sans nuance aux décisions du gouvernement, avec une faiblesse d’arguments qui laisse perplexe sur son apparente partialité, et sur son indépendance effective. On signalera en particulier l’argument douteux qu’il déploie : les non-vaccinés ont toujours la faculté d’être vaccinés pour recouvrer la liberté. Une façon de balayer toute possibilité de recours contre l’arbitraire gouvernemental.» «Le Conseil d’Etat se contente de répondre que les vaccins sont gratuits et que, si les non-vaccinés n’ont plus les moyens de se faire tester, ils n’ont qu’à se faire vacciner ! S’il n’ont plus de pain, qu’ils mangent de la brioche», a ensuite ironisé Eric Verhaeghe, usant d'une citation attribuée à la reine Marie-Antoinette. «Chacun appréciera la caricature, la parodie de justice, à laquelle se livre cette cour souveraine qui a perdu, aujourd’hui, ce qui lui restait de légitimité et de crédibilité», conclut-il.