Alors que le plus grand salon mondial du nucléaire civil débute au Parc des expositions de Villepinte le 30 novembre (jusqu'au 2 décembre), le réseau Sortir du Nucléaire organise le même jour un rassemblement contre la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, place du Trocadéro à Paris.
Deux visions qui confirment que la place de l'atome dans le «mix» ou «bouquet» énergétique français suscite de vifs débats parmi les candidats déclarés à l'élection présidentielle. Avec des propositions très variées, allant de l'abandon pur et simple du parc à son développement, le tout sur fond de COP26 et d'obligation, pour le pays, de réduire ses émissions de CO2. Le sujet fracture d'ailleurs davantage la gauche que la droite, plus consensuelle sur ce point.
A gauche, réduire ou abandonner le nucléaire
A gauche, EELV et La France insoumise sont pour la sortie du nucléaire. Le candidat écologiste Yannick Jadot juge possible de sortir du nucléaire «en 20 ans», «progressivement», mais avec pragmatisme, en précisant que «personne ne dit qu'on va fermer les centrales nucléaires demain». Pour remplacer cette énergie, il propose d'investir la palette des énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, hydraulique, géothermie, biomasse) et dans l'isolation des logements.
Devant le Parlement européen, le 24 novembre, il a insisté sur le fait que la France devait cesser son «lobby insupportable» en faveur du nucléaire, à propos des débats en cours sur la «taxonomie verte» à l'échelle de l'UE : celle-ci doit définir une liste d'énergies jugées vertueuses pour le climat et l'environnement, et l'Hexagone souhaite y intégrer l'atome.
Le candidat La France insoumise est sur une ligne encore plus critique, préférant ne pas attendre 2030 pour sortir du nucléaire. Face aux dix années de retard et quelque 16 milliards d'euros de surcoûts du chantier de l'EPR de Flamanville (Manche), Jean-Luc Mélenchon compte abandonner ce type de projets ainsi que celui de «grand carénage» du parc existant (estimé à 40 milliards par EDF), au profit d'un bouquet énergétique «100% renouvelables» et d'une «sobriété dans la consommation» d'énergie. Le candidat a aussi mis en avant, lors d'un entretien sur BFMTV, le fait que le nucléaire soulevait des problèmes de souveraineté, puisque la France n'a pas d'uranium sur son territoire et dépend d'approvisionnements extérieurs.
Un point qui le sépare de Fabien Roussel, le candidat communiste, qui prévoit d'investir «dans le nucléaire et les énergies renouvelables. Et cela en nationalisant EDF et ENGIE pour créer un grand pôle public de l’énergie afin de pouvoir fixer les tarifs du gaz et de l’électricité».
Une position proche de celle d'Arnaud Montebourg, également en lice à gauche : celui-ci a affirmé que «l’impératif écologique se trouve dans la sortie du pétrole» et que «nous avons pour cela besoin du nucléaire». En soulignant le fait que la gauche n'arrivait pas à s'entendre sur le sujet.
Enfin, la candidate socialiste Anne Hidalgo ne parle pas de sortir du nucléaire, mais dit vouloir «aller beaucoup plus vite» que l'objectif d'Emmanuel Macron de réduire à 50% la part de cette énergie à l'horizon 2035, ce qui «passe par le développement des énergies renouvelables».
Emmanuel Macron favorable à la relance de l'atome
Le chef de l'Etat compte en effet réinvestir dans la filière, en conservant l'objectif de ramener la part du nucléaire à 50% du «mix énergétique» d'ici à 2035, contre environ 70% actuellement.
Dans le plan «France 2030» présenté à la mi-octobre, Emmanuel Macron a annoncé de nouveaux investissements pour le nucléaire à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Le plan prévoit notamment la construction de petits réacteurs nucléaires dits SMR («Small Modular Reactors»). Pas question de tourner la page du nucléaire donc, un choix confirmé lors de l'allocution du président le 9 novembre 2021 : «Nous allons, pour la première fois depuis des décennies, relancer la construction de réacteurs nucléaires dans notre pays», avait-il indiqué.
Nucléaire toute à droite
Les Républicains souhaitent mettre un coup d'arrêt à la fermeture des centrales nucléaires et entendent «prolonger la durée de vie des réacteurs jusqu’à 60 ans». Une orientation déclinée par les candidats à l'investiture : Valérie Pécresse compte ainsi «accorder à EDF le lancement d’une série industrielle de six nouveaux EPR» et relancer «le projet de réacteur de 4e génération Astrid» (abandonné en 2019, à la satisfaction du réseau Sortir du Nucléaire), tandis que Xavier Bertrand prévoit, s'il est élu, de lancer la construction de nouveaux réacteurs «dès l'été 2022». Michel Barnier n'est pas en reste, ayant déclaré qu'il faudrait «réévaluer un certain nombre de décisions», dont «celle de fermer 12 réacteurs d'ici 2035».
Marine Le Pen a quant à elle promis, si elle est élue, de lancer «immédiatement» la construction de trois nouveaux EPR et de valider le «grand carénage» du parc actuel de centrales.
Son concurrent direct, Eric Zemmour, a développé sa vision dans une tribune parue dans Le Point : selon lui, le virage du nucléaire civil pris dans les années 70 a permis à la France «de disposer d’une électricité fiable et bon marché», et de se placer dans «le peloton de tête des pays les plus décarbonés au monde». Hors de question, le concernant, d'abandonner cette source d'énergie : lors de son débat face à Jean-Luc Mélenchon sur BFMTV le polémiste a déclaré qu'«abandonner le nucléaire, c'est abandonner notre souveraineté nationale».