France

«Fiasco», «honte» : malgré les critiques, Paris se défend de capituler face à Londres sur la pêche

Le gouvernement a évoqué un plan d'indemnisation des pêcheurs français qui n'ont pas obtenu le renouvellement de leurs licences dans les eaux britanniques. L'annonce a déclenché une tempête de critiques des professionnels et de l'opposition.

En évoquant, le 18 novembre, un plan d'indemnisation pour les pêcheurs qui perdraient leurs licences pour travailler dans les eaux britanniques, la ministre de la Mer Annick Girardin a déclenché un torrent de protestations, tant du côté des professionnels que de l'opposition, qui y ont vu la reconnaissance implicite par la France de sa «défaite» face aux Royaume-Uni.

L'annonce par la ministre de la préparation de «plans de sortie de flotte» a fait l'effet d'une bombe aux assises de la mer organisées à Saint-Pol-de-Léon (Finistère), où élus locaux et professionnels ont immédiatement rejeté l'hypothèse d'un «plan massif de destruction des bateaux» pendant que les négociations se poursuivent avec Londres.

«La défaite, elle était prévisible (...). C'est un fiasco», a réagi auprès de l'AFP Pascal Delacour, patron d'un chalutier de Granville. «La France a baissé son froc et a abandonné ses jeunes marins car c'est surtout eux qui n'ont pas de licences». Même son de cloche du côté du président du comité des pêches des Côtes-d'Armor, Alain Coudray, pour qui «avec les Anglais (...) il ne faut pas lâcher d'un centimètre, il faut montrer les dents, sinon...».

Capitulation scandaleuse, selon l'opposition

Le courroux des différentes forces d'opposition n'a pas tardé à déferler : selon la candidate du Rassemblement national, Marine le Pen, «Emmanuel Macron a capitulé avant même de mener le combat».

Même condamnation de la part de Valérie Pécresse, candidate à l'investiture des Républicains, qui a dénoncé dans un tweet le «scandaleux renoncement de la France face aux Britanniques». Egalement candidat à l'investiture, Michel Barnier, ex-négociateur du Brexit, a fustigé «la résignation» et «le renoncement» du gouvernement face à «la mauvaise foi» des Britanniques. Enfin, Eric Ciotti a affirmé : «ce Président aura évaporé notre influence internationale», qualifiant la séquence de «nouveau camouflet diplomatique pour Macron».

A gauche, le candidat communiste Fabien Roussel a qualifié l'annonce de «honte, parce qu'il n'y a rien de pire que de dire à un ouvrier, un pêcheur, de brûler, de casser son outil de travail», tout en appelant à «mettre la pression sur le gouvernement britannique». Moqueur, le président de l'Union populaire républicaine, François Asselineau, a raillé Emmanuel Macron et Clément Beaune dont les menaces à l'égard du Royaume-Uni ont été, selon lui, sans effets. 

La France avait en effet annoncé des sanctions à compter du 1er novembre à l'encontre de Londres et Jersey, face à la lenteur des discussions, avant de les suspendre dans l'attente de l'issue d'une série de discussions. En vertu de l'accord de Brexit signé fin 2020, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques, à condition de pouvoir prouver qu'ils y pêchaient auparavant, mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l'ampleur des justificatifs à fournir, notamment au sujet des eaux des îles anglo-normandes, dont Jersey. 

Près de 220 licences définitives ont été accordées, et la France réclame encore quelque 150 licences, contre 170 il y a un mois, selon un décompte établi par l'AFP.

«On maintient toutes les options ouvertes si le dialogue (avec Londres et Jersey) ne portait pas ses fruits», a résumé le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, qui doit échanger une nouvelle fois avec le secrétaire d'État britannique chargé du Brexit, David Frost, «d'ici la fin du weekend». 

«Nous exerçons aussi une pression sur la Commission européenne pour que les demandes exigées des Britanniques soient plus importantes, plus fermement dites», a-t-il ajouté, prévoyant de rencontrer le 22 novembre à Bruxelles le vice-président de la Commission chargé du Brexit, Maros Sefkovic. 

Ce qui n'a pas empêché le patron des eurodéputés Renew Europe (La République en marche) Stéphane Séjourné, de mettre en cause le Premier ministre britannique : «Il ne faut jamais faire confiance à Boris Johnson, c'est la leçon que je retiens», a lancé l'ex-conseiller politique d'Emmanuel Macron, sur France Info.

Lors d'un déplacement dans le Nord de la France le 19 novembre , Emmanuel Macron a réagi en ces termes : «Nous allons continuer à nous battre, nous ne lâcherons pas nos pêcheurs». Reconnaissant, à propos du rôle de l'Europe dans le dossier, que «ça va trop lentement, ça va trop mollement», le président français a prévenu que «si la Commission ne joue pas son rôle, la France le fera». 

Les pêcheurs, eux, veulent maintenir la pression: «Le temps des actes est venu», prévient le comité des pêches.