Toutes tendances confondues, de nombreux sénateurs étaient hostiles au projet de loi «vigilance sanitaire» lors de sa lecture devant le Sénat. Un projet qui ouvre notamment la possibilité de recourir au pass sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022. Les sénateurs l'ont ainsi rejeté en bloc, à travers une «question préalable». L'Assemblée nationale l'a toutefois voté le lendemain via une version du texte conforme aux volontés du gouvernement, balayant les objections du Sénat dominé par la droite. La chambre haute et les oppositions au Palais Bourbon plaidaient pour une extension du pass sanitaire jusqu'à la date du 28 février seulement. Une date qui aurait contraint l'exécutif à revenir avant les élections devant les chambres, et à prendre de nouvelles mesures en fonction des évolutions de la situation sanitaire.
Les sénateurs Les Républicains (LR), bien décidés à ne pas se laisser faire, ont en conséquence décidé de déposer le 6 novembre un recours devant le Conseil constitutionnel. Invité sur Europe 1 le 5 novembre, Philippe Bas (LR) a expliqué que c'était «bien la mission du Parlement de vérifier au nom du citoyen français que les contraintes qu'on leur impose soient réellement justifiées par la crise sanitaire».
«C'est en fonction de l'évolution [de l'épidémie] que le Parlement doit normalement décider lui-même, sans déléguer ses pouvoirs au gouvernement», a-t-il ajouté.
Pour lui, la manœuvre de l'exécutif «manque de respect au Parlement» alors que «nous avons jusqu'à présent toujours su prendre nos responsabilités». «Nous n'avons pas besoin que les pouvoirs du Parlement lui soient concédés, en fonction des circonstances, par le gouvernement», a argumenté le parlementaire de La Manche. Selon lui, le gouvernement agit d'ailleurs à «l'aveugle», tant sur le plan politique – puisqu'entre-temps les élections présidentielle et législatives pourraient changer de couleur – que sur le plan sanitaire – l'épidémie pouvant très bien évoluer d'une manière ou d'une autre durant les sept premiers mois de l'année 2022.
Les oppositions à l'Assemblée déposent également des recours
«La situation sanitaire s'est quand même éclaircie par la vaccination», a ainsi rappelé Philippe Bas ajoutant que Les Républicains soutenaient «une position de principe qui se rattache à la Constitution et au rôle fondamental de la représentation nationale pour défendre les libertés des Français». «Là où la vaccination a été massivement faite, nous considérons que le pass sanitaire n'est plus utile, et là où la vaccination est en retard, nous admettons qu'il puisse se prolonger jusqu'à un nouvel examen par le Parlement, au plus tard au mois de février prochain», a-t-il étayé.
Philippe Bas affirme se «conformer» aux recommandations du conseil scientifique, celui-ci ayant souligné qu'il «fallait se préparer à la fin progressive du pass sanitaire». Confiant ne pas comprendre «l'obstination du gouvernement», le sénateur a évoqué le recours devant les Sages du fait qu'il y a «effectivement de vraies questions sur l'équilibre de nos institutions, la verticalité du pouvoir».
75 députés ont également déposé un recours, regroupant notamment des élus des groupes La France insoumise, Gauche démocrate et républicaine, Socialistes et apparentés et Libertés et Territoires. «Cette loi pourra conduire à des mesures d’interdiction ou de restriction susceptibles d’avoir de lourdes conséquences sur la vie démocratique française, puisque la période concernée couvre le temps des campagnes électorales de l’élection présidentielle et des élections législatives», s'inquiète La France insoumise dans un communiqué, estimant en outre cette «prorogation d’un régime d’exception attentatoire aux libertés fondamentales».
Les députés LR ont aussi annoncé déposer un recours. Damien Abad a jugé «la prolongation du pass sanitaire jusqu'au 31 juillet prochain, sans clause de revoyure, [...] disproportionnée et injustifiée».
Emmanuel Macron doit s'exprimer sur la situation sanitaire le 9 novembre à 20h.