La participation de l'essayiste Renaud Camus à une émission de CNews le 31 octobre a provoqué de vives réactions sur les réseaux sociaux. Célèbre pour avoir inventé l'expression «grand remplacement», l'écrivain, condamné en 2015 pour provocation à la haine envers les musulmans, a notamment été invité à rebondir sur un sondage de Harris Interactive publié le 21 octobre parChallenges. 67% des Français s'y déclarent inquiets d'un «grand remplacement», dans la définition suivante : «Les populations européennes, blanches et chrétiennes [...] menacées d'extinction [à la suite de] l'immigration musulmane, provenant du Maghreb et d'Afrique noire.»
Renaud Camus a tenu à reprendre la définition de «grand remplacement» que lui prêtait le magazine Challenges : «Je n'ai parlé ni des "blancs", ni des chrétiens. Le "grand remplacement" c'est le changement de peuple, avec le changement de civilisation qu'il implique. Il y a un peuple, et en l'espace d'une ou deux générations, il y a sur le même territoire un ou plusieurs autres peuples, peu importe les peuples qui en sont l'objet.»
A la question de savoir s'il ne «dramatisait» pas, l'essayiste a donné son point de vue : «Non, ce phénomène est une chose absolument épouvantable.» «Une des choses dont les Français et beaucoup de peuples en Occident sont dépossédés, c'est leur regard, leur chagrin, leur intelligence, par une pseudo-science [...] qui vous dit ce qu'il se passe : la sociologie, la démographie, la statistique. Les Français acceptent ça comme si leur regard avait été volé, que ce qu'ils voyaient ne devait pas être pris en compte», a-t-il déploré, jugeant que «le grand remplacement crève les yeux».
Interrogé par le journaliste Ivan Rioufol, qui lui demandait s'il considérait qu'une femme musulmane voilée pouvait être française, Renaud Camus a répondu : «J'ai toujours cru que la France pouvait intégrer, assimiler des individus. Elle l'a fait admirablement au cours de son Histoire [mais] la France, et aucun pays du monde, ne peut intégrer des peuples entiers. [...] Les femmes voilées, peut-être, il y en a eu certainement dans l'Histoire qui se sont révélées être d'ardentes Françaises, mais il faut bien voir qu'elles sont aujourd'hui le drapeau de la conquête ou de la colonisation.» L'essayiste a par ailleurs estimé que les gouvernements qui se succèdent en France, «que ce soit la gauche ou la droite», sont «du côté des "remplacistes", de ceux qui favorisent le changement de peuple».
Ses opposants dénoncent le discours d'un «raciste multirécidiviste», ses partisans heureux qu'il s'exprime «en personne»
Ce passage télévisé a provoqué de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Sleeping Giants, «collectif citoyen de lutte contre le financement du discours de haine», comme il se présente, a déploré sur Twitter que CNews fasse «la promo de Renaud Camus, raciste multirécidiviste, le laiss[ant] étaler son délire du "grand remplacement"». L'historienne Laurence de Cock, intervenante régulière sur Mediapart, a interpellé le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) : «A quel moment allez-vous commencer à considérer que la ligne rouge de la propagande fasciste est franchie ?»
Même argumentation de la part de Pierre Jacquemain, rédacteur en chef du magazine classé à gauche Regards : «Quand est-ce que le CSA va prendre la mesure de la gravité de l’emprise Bolloré sur les médias et sa détermination à faire triompher les fachos ?» L'ancien rapporteur de l'Observatoire de la laïcité Nicolas Cadène a dénoncé une «campagne effrayante». «Quand cessera cette folie ?», a-t-il écrit sur Twitter. L'éditorialiste Jean-Michel Aphatie a de son côté ironisé, en relayant le passage de Renaud Camus sur CNews : «Je ne sais pas pourquoi, j'ai ri.»
Si je me revendiquais de quelqu'un, ce serait de Gandhi
A l'inverse, certains ont défendu l'invitation de l'écrivain à la télévision. «Enfin il a pu s'exprimer en personne et non être traduit par d'autres», a souligné Gabriel Robin, journaliste au magazine conservateur L'Incorrect.
S'adressant directement à l'écrivain, le journaliste Ivan Rioufol a déclaré : «L'extrême gauche enrage et veut vous faire taire, par tous les moyens : je suis heureux, Renaud Camus, d'avoir pu vous donner l'occasion de vous expliquer.»
Niant toute «provocation» dans ses écrits, alors que son compte Twitter a été suspendu récemment, Renaud Camus avait estimé plus tôt sur le plateau de CNews faire partie «de ceux qui ont lutté pour la décolonisation et le refus de la conquête, comme Gandhi». «Est-ce que Gandhi était provoquant ? En aucune façon, et je ne pousse en aucune façon à la violence. Si je me revendiquais de quelqu'un, ce serait de Gandhi par exemple», a-t-il poursuivi avec un sourire.