Londres veut une frontière étanche, Paris réclame un traité et «moins d'attractivité économique» de la part des Britanniques : l'arrivée record de migrants en Angleterre est source de tensions des deux côtes de la Manche.
Selon le décompte de l'agence de presse britannique PA, plus de 18 000 migrants ont réussi la traversée jusqu'aux côtes anglaises à bord de petites embarcations clandestines depuis le début de l'année, soit plus du double du chiffre de l'ensemble de l'année 2020.
En vertu des accords du Touquet en vigueur depuis 2004, la frontière britannique est fixée sur la côte française. En contrepartie, Londres s'acquitte d'une compensation financière dont les montants sont régulièrement renégociés. Cette année, le Royaume-Uni s'est ainsi engagé en juillet à verser à la France 62,7 millions d'euros supplémentaires.
Après avoir menacé la France de ne plus verser de compensation financière, la ministre de l'Intérieur britannique souhaite une réinterprétation du droit maritime international
Selon plusieurs médias britanniques, la ministre de l'Intérieur Priti Patel avait cependant menacé de ne pas verser cette somme faute de résultats côté français, au grand étonnement de son homologue français Gérald Darmanin. Le Royaume-Uni a finalement annoncé le 11 octobre que cet argent serait versé à la France «dans les prochaines semaines».
«Les Britanniques ont peu d'engagements, on subit pour eux !», tempête la maire Les Républicains de Calais, Natacha Bouchart. Celle-ci réclame, comme plusieurs autres élus locaux, une «remise à plat» de ces accords.
Le durcissement de la lutte contre l'immigration est une priorité pour le gouvernement britannique depuis le Brexit, et il s'apprête à rendre les conditions d'octroi d'asile bien plus strictes. Le gouvernement de Sa Majesté entend rendre les périlleuses traversées de migrants impraticables et fait pression pour que la France accentue ses efforts pour les empêcher.
La France n'acceptera aucune pratique contraire au droit de la mer, ni aucun chantage financier
Selon le Times, Priti Patel a demandé que l'interprétation par le Royaume-Uni du droit maritime international soit réécrite afin que la Border Force (police des frontières) puisse refouler les embarcations. «La France n'acceptera aucune pratique contraire au droit de la mer, ni aucun chantage financier», a réagi Gérald Darmanin.
Les autorités françaises n'interceptent pas en mer les bateaux qui ne sont pas en difficulté car «le risque [est] extrêmement important», a expliqué à l'AFP Philippe Dutrieux, préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord.
Côté français, on demande aux Anglais de réduire leur «attractivité économique». «Beaucoup de gens vont aujourd'hui en Grande-Bretagne parce qu'on peut y travailler, y compris lorsqu'on est étranger en situation irrégulière», a expliqué Gérald Darmanin. Pour régler le «problème des demandes d’asile», les «reconduites» et le «regroupement familial», le ministre français demande la négociation d'un traité sur la question migratoire entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.