Le torchon brûle entre Paris et Alger depuis la prise de parole d'Emmanuel Macron le 2 octobre devant des descendants de protagonistes de la guerre d'Algérie. En déplacement dans la capitale malienne le 5 octobre, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, s'est à son tour exprimé sans ambages sur les propos d'Emmanuel Macron rapportés par Le Monde le 2 octobre.
Le président français avait notamment estimé qu'après son indépendance en 1962, l'Algérie s'est construite sur «une rente mémorielle», entretenue par «le système politico-militaire» lors d'un échange avec des descendants de protagonistes de la guerre d'Algérie.
Comme le rapporte l'agence de presse algérienne APS, le chef de la diplomatie algérienne a déclaré que les «partenaires étrangers», de l'Algérie et de plusieurs pays africains, «ont besoin de décoloniser leur propre histoire». «Ils [les occidentaux] ont besoin de se libérer de certaines attitudes, de certains comportements, de certaines visions qui sont intrinsèquement liées à la logique incohérente portée par la prétendue mission civilisatrice de l’Occident, qui a été la couverture idéologique utilisée pour essayer de faire passer le crime contre l’humanité qu’a été la colonisation de l’Algérie, la colonisation du Mali et la colonisation de tant de peuples africains», a-t-il poursuivi.
«La décolonisation qui doit s'opérer aujourd'hui est une décolonisation qui s'annonce comme une priorité [pour remédier à] la faillite mémorielle que trahissent les propos tenus récemment sur l'Algérie et le Mali par la France officielle» a-t-il enfin ajouté, visant expressément les récentes déclarations du chef d'Etat français.
Toujours selon APS, Ramtane Lamamra a précisé que «cette faillite mémorielle est malheureusement intergénérationelle chez un certain nombre d'acteurs de la vie politique française parfois aux niveaux les plus élevés». Le chef de la diplomatie algérienne y voit d'ailleurs la source des «crises malencontreuses» entre la France et ses anciennes colonies. Il a également déclaré que dans les relations qu'entretiennent l'Algérie et le Mali avec la France, «il n’y a pas de cadeau, mais une logique de donner et de recevoir».
Depuis le 2 octobre, les réactions se sont multipliées côté algérien
La réaction de Ramtane Lamamra survient quelques jours après une série de déclarations effectuées par plusieurs membres du gouvernement algérien.
Le 4 octobre, le ministre algérien des Affaires religieuses Youcef Belmehdi s'était montré particulièrement virulent envers le président français. Selon lui, les déclarations d'Emmanuel Macron sont guidées par «la haine» et ont pour but de «freiner l’envol économique de l’Algérie». Comme l’a rapporté le site d'information algérien TSA, Youcef Belmehdi n'avait pas hésité à déclarer devant la presse à propos de la France qu'à l'époque de la colonisation, l'Algérie «nourrissait cette contrée dont le peuple criait famine et mangeait des rats».
Le même jour, le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane avait lui qualifié, lors d'un déplacement à Oran, les propos d'Emmanuel Macron d'«inacceptables». «Nous n'acceptons pas ce genre de déclarations, l'Algérie c'est un peuple, une nation debout, ayant fait ses preuves dans l'histoire [...] L'Algérie est plus grande que toutes les déclarations qui tentent de porter atteinte à son histoire, à la profondeur de son histoire et ses racines», avait-il encore fait savoir.