Après quatre ans d'absence, Arnaud Montebourg s'est de nouveau rendu à Frangy-en-Bresse le 25 septembre pour la traditionnelle Fête de la rose, qui a lieu annuellement depuis près de 50 ans. La composition de son équipe de campagne pour 2022 est bouclée et son entourage se dévoile peu à peu.
«On est assez structuré à travers tout le territoire, c’est un personnage qui compte au niveau national, on ira au bout !», a assuré Guillaume Badet, le président de l'Association organisant ce rassemblement festif et directeur de cabinet de la mairie de Lons-le-Saunier (Jura). «J’espère que la Fête de la rose lui permettra de réaliser sa remontada», a-t-il en outre souhaité, faisant part de son «émotion» de revoir sur le devant de la scène Arnaud Montebourg, qu'il connait personnellement depuis 1997.
Frangy était en effet une journée qui se devait d'être un déclencheur dans la campagne pour la présidentielle. Cette fois-ci, il ne fallait pas commettre d'impair, à la différence du discours d'acte de candidature à Clamecy le 4 septembre, dont la diffusion en direct sur les réseaux sociaux avait connu quelques problèmes. C'est pourquoi l'arrivée d'Arnaud Montebourg sur les lieux de l'événement a pris plus de 50 minutes de retard, ses conseillers attendant que les visiteurs se massent à l'entrée pour produire un effet bain de foule. Sur place, l'ancienne ministre socialiste et actuelle sénatrice Laurence Rossignol était à ses côtés, tout comme certains parlementaires du Parti socialiste (PS). A une dame lui demandant s'il était en forme, Arnaud Montebourg lui répond que s'il ne l'était pas, il serait «à la pêche».
De nombreux déçus de La France insoumise attirés par Arnaud Montebourg
Si l'organisation prévoyait 1 600 personnes sur le terrain de football de Frangy, puis officialisant in fine près de 1 400 personnes, en réalité, nous en avons plutôt calculé plusieurs centaines, peut-être un millier. Dans tous les cas, les présents étaient déjà convaincus et remotivés par l'ancien député de Saône-et-Loire. Du reste, force est de constater que se sont retrouvés dans le petit village bourguignon, des Français de bords éloignés, dont plusieurs ont été des partisans de La France insoumise (LFI) durant la campagne de 2017. L'un d'eux nous explique que «cette fête doit montrer à tous les Français l'envie et la cohérence politique d'Arnaud Montebourg, son attachement pour la France des sous-préfectures». Il n'en doute pas. Selon lui, Arnaud Montebourg est «le tenant de la ligne de Jean-Luc Mélenchon de 2017, celle d’un retour au populisme réel, d’une remontada républicaine même si les thèmes n’étaient pas les mêmes». «Jean-Luc Mélenchon s’est déporté de sa promesse de 2017, Arnaud Montebourg est celui qui a récupéré le flambeau», argumente-t-il. Un autre confirme que la victoire est «possible», dans la mesure où Arnaud Montebourg «a la capacité de récupérer les 19% de Jean-Luc Mélenchon de 2017, tout en étant moins clivant dans la personnalité». Dans les rangs des soutiens ex-Insoumis, l'économiste Liêm Hoang-Ngoc est aussi de la Fête.
Arnaud Montebourg est le tenant de la ligne de Jean-Luc Mélenchon de 2017, celle d’un retour au populisme réel
Nous avons même croisé un ancien militant du PS, qui assume avoir voté Emmanuel Macron au premier tour de 2017. Il déplore que la gauche, dans son ensemble, maintienne un discours «dépassé» qui dénigre l'entreprenariat. Déçu par l'actuel locataire de l'Elysée pour sa vision «trop atlantiste», et sa défense trop «forte» du libre-marché, il sait d'ores et déjà qu'il mettra un bulletin Arnaud Montebourg en avril 2022. «Il connait le monde de l'entreprise, il va oser s'opposer aux Etats-Unis et je pense qu'il ne va pas comme le PS, trahir la nation», énonce-t-il, rassuré d'autre part par la vision de la laïcité d'Arnaud Montebourg et sa volonté de lutter contre l'islamisme politique. Pour autant, il ne se fait pas d'illusion, atteindre les 5% au premier tour, serait pour ce nouveau supporter un premier succès.
Un membre de l'équipe de campagne nous informe que des élus de droite et du centre soutiennent également le projet de la remontada. Une raison qui pousse certainement Arnaud Montebourg à se revendiquer comme étant «inclassable», souhaitant sans doute se détacher de l'étiquette PS qui a été la sienne durant tout son parcours politique. Son porte-parole, François Cocq, est d'ailleurs un ancien cadre de LFI. Celui-ci assume totalement le fait qu'«Arnaud Montebourg reprenne le fil de cette dynamique populaire qui s'est levée en 2017, au-delà des clivages». Cette candidature trans-partisane est assumée par son équipe.
Plus mesurés, certains socialistes nous confient néanmoins que le but premier reste l'union de la gauche, à l'instar de la députée Cécile Untermaier. Celle-ci désire, pour sa part, une candidature unique «des écologistes aux modérés de la gauche» : «Je me refuse totalement à être dans une opposition ou une déclaration de guerre parce qu'à terme, il faut que le rassemblement se fasse d’une manière ou d’une autre. Derrière celui ou celle qui est le meilleur pour la France et en capacité de l’emporter.» «Le PS en tant que tel ne sera rien. On l’a tous compris ça», poursuit-elle, vantant la perspicacité d'Arnaud Montebourg à comprendre certains enjeux «avant les autres», comme sur «la démondialisation» ou «le made in France».
Le sénateur de Saône-et-Loire, Jérôme Durain, regrette quant à lui que le PS ait «des tabous» sur certains sujets, «qui concernent les territoires, l’industrie, la souveraineté», en les mettant sous le tapis. En charge des parrainages, Jérôme Durain se réjouit donc qu'Arnaud Montebourg puisse au contraire proposer «une offre particulière en s’adressant à ces Français qui ne se sentent plus concernés par la vie politique, qui se sentent abandonnés, qui ne croient plus en la politique, qui pensent qu’ils ne sont plus considérés».
Anne Hidalgo, c'est un non massif
Hormis quelques-uns, la plupart des personnes interrogées dans le public et l'équipe de campagne ne voit d'autre alternative qu'Arnaud Montebourg pour 2022. L'hypothèse Anne Hidalgo (maire PS de Paris) est régulièrement rejetée, à l'image de notre électeur ex-macroniste, qui la définit comme «un François Hollande bis». C'est également le cas de nombreux membres de l'Engagement, la structure de campagne d'Arnaud Montebourg regroupant, pourtant, majoritairement des sympathisants venus du PS, mais qui est aussi composée de transfuges de LFI et – d'après les dires de deux de ses cadres – de militants de l'UDI (parti centriste). Une de ces recrues estime qu'«Anne Hidalgo ne représente rien, hormis les quelques habitants du centre de Paris». «Elle n’a pas compris ce qu’était le pays, comment fonctionnait la France, ni comment la relever. Hormis baisser la vitesse sur les autoroutes et mettre des pistes cyclables un peu partout, on ne voit pas quel projet de société elle a. Elle est vouée à s’effondrer», avance-t-il. Encore faut-il qu'Arnaud Montebourg puisse avoir les 500 parrainages nécessaires pour se présenter et les finances pour faire campagne... Info ou intox, tous les membres de l'Engagement interviewés affirment que ces deux sujets ne sont plus des problèmes, si tant est qu'ils l'aient été.
Au demeurant, depuis le discours de Clamecy, Arnaud Montebourg a engagé un énarque à ses côtés pour piloter et professionnaliser sa campagne. Il peut aussi s'appuyer sur des politiques qui n'ont pas encore officialiser leur soutien mais qui devraient le faire prochainement. Un proche nous glisse le nom d'Emmanuel Maurel, qui fournirait des notes au candidat. Sauf que le positionnement de cet ex-frondeur socialiste n'est pas simple, dans la mesure où son micro-parti, la Gauche républicaine et socialiste, s'est allié aux Européennes de 2019 avec... La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Arnaud Montebourg peut aussi compter sur un collectif de jeunes qui attestent disposer d'une centaine de sympathisants sur le territoire, prêts à se déplacer en marinière sur les lieux des meetings de leur champion.
Un programme qui va se muscler ?
Au sein du public, si le vote Montebourg paraît naturel, d'aucuns nous soufflent qu'ils souhaiteraient que l'ancien ministre du Redressement productif soit plus clair, comme sur l'écologie ou l'Union européenne. «Comment retrouver la souveraineté si nous ne menaçons pas de sortir des traités ?», questionne un ancien électeur de Jean-Luc Mélenchon (encore), se définissant comme gaulliste de gauche. Il aurait aimé qu'Arnaud Montebourg reprenne le concept de plan A, plan B. «Plan A, la France négocie avec l'Allemagne et la Commission européenne, plan B, nous menaçons par une politique de chaise vide ou de rompre certains traités comme l'infâme traité de Lisbonne», conseille ce partisan. Mais Arnaud Montebourg a justement écarté cette hypothèse sur scène : «Pas de plan A, pas de plan B, pas de plan C.» Dans son équipe, on nous assure qu'il faut être patient et qu'Arnaud Montebourg va petit à petit approfondir sa pensée comme sur «la fin du pétrole et la défense de l'industrie nucléaire», un autre enjeu de souveraineté.
Le plus important, c’est la souveraineté populaire. Et c’est celle-là qu’incarne aujourd’hui Arnaud Montebourg
Réfutant le terme de souverainiste car se «sentant européen», Arnaud Montebourg a déclaré durant son discours : «Rétablir la part nécessaire de souveraineté nationale, c'est sauver l'Union européenne contre elle-même.» Interrogé par nos soins, un membre de la campagne estime qu'en termes juridiques et politiques, «ça prendra la forme que ça prendra, le plus important étant que le Parlement français devienne le seul législateur en France et que l’UE reste ce qu’elle devrait être, c'est à dire une union pacifique de peuples qui ont envie de vivre ensemble et qui ont envie d’être forts face aux impérialistes».
Le président de L'Engagement et conseiller d'Arnaud Montebourg, Valentin Przyluski ne cache pas sa lassitude lorsque nous évoquons l'idée qu'Arnaud Montebourg puisse attirer des souverainistes. «La question ce n'est pas d'attirer l'autre rive ou les souverainistes, notre programme c'est la France», affirme-t-il. Pour François Cocq, «le souverainisme c’est un mot. La souveraineté c’est une idée». «Le plus important, c’est la souveraineté populaire. Et c’est celle-là qu’incarne aujourd’hui Arnaud Montebourg. Le projet de faire France, de retrouver cette énergie que nous avons en commun et de redécider collectivement ce qui est bon pour soi et pour tous. On ne demande pas aux gens une carte de visite, il n’y a pas d’assignation à résidence politique, les gens ne sont pas dans des cases», explique-t-il.
Les proches d'Arnaud Montebourg sont certains qu'un «frémissement» est à l'œuvre et que la dynamique est déjà enclenchée, les positions de leur chef de file seraient selon eux «majoritaires au sein du pays». François Cocq est de fait persuadé qu'«un élément chamboule-tout va arriver» permettant «d'éviter l’inéluctable», c’est-à-dire la réélection d’Emmanuel Macron. «L’ambiance est en train de changer. Les gens voient que ce n’est pas au sein de l'actuelle scène politique que quelque chose de nouveau peut faire turbuler le système ou venir le perturber», poursuit-il. Nul doute, Eric Zemmour était également dans les esprits à Frangy. «Autant que ce soit quelqu’un qui porte fort les valeurs d’humanisme, d’universalisme, de refondation populaire, de reconstruction de la France avec Arnaud Montebourg plutôt que quelqu’un qui divise la Français comme Eric Zemmour», conclut le porte-parole. Mais pour l'heure, c'est bien le polémiste de droite qui semble être au centre du jeu politique et médiatique.
Bastien Gouly