«La goutte d'eau qui fait déborder le vase». Certains pompiers s'élèvent contre l'obligation vaccinale qui leur sera imposée à partir du 15 septembre. Ils y voient une nouvelle preuve d'un «manque de considération» de leur engagement.
Depuis la mi-juillet, ils défilent par petits groupes chaque samedi, en uniforme ou en civil, dans les cortèges qui regroupent les adversaires du pass sanitaire, du vaccin ou du gouvernement. Ce 28 août à Nice (Alpes-Maritimes), ils étaient quelques-uns, fidèles au rendez-vous derrière une grande banderole : «Nous répondons à toutes vos urgences, ne nous privez pas de nos libertés !»
On est favorable au vaccin, mais le fait de nous mettre une deadline, d'imposer des mesures coercitives, est un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase
«On ne comprend pas cette obligation vaccinale», soupire parmi eux Firmin (le prénom a été modifié à sa demande Ndlr.), interrogé par l'AFP. «Ça fait un an et demi qu'on travaille en se protégeant et en protégeant les autres, on n'a pas eu de cluster dans les casernes», poursuit-il, «se vacciner ne changera rien, hormis le fait d'avoir une recrudescence d'effets secondaires».
La part des récalcitrants parmi les quelque 253 000 soldats du feu en France reste difficilement chiffrable. Mais Samuel Mathis, le secrétaire général du Syndicat national des sapeurs-pompiers volontaires ou bénévoles (79% des effectifs, pour 16% de professionnels et 5% de militaires), se dit «inquiet du nombre d'appels reçus» à l'approche de la date butoir de la mi-septembre. «C'est la première fois que notre organisation est autant sollicitée par des sapeurs-pompiers qui disent qu'ils ne se feront pas vacciner, en tout cas pas comme ça. Et qui se demandent si on leur demandera de démissionner, ou s'ils seront déclarés inaptes», déclare-t-il.
«Mesure coercitive»
Leur opposition à la vaccination vient davantage de la forme employée, «désagréable» selon le syndicaliste, que du fond. «On est favorable au vaccin, mais le fait de nous mettre une deadline, d'imposer des mesures coercitives, est un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase», déplore Samuel Mathis. «certains camarades [...] nous disent "trop, c'est trop"» pour des bénévoles qui «sacrifient beaucoup de leur temps et de leur vie».
Volontaires comme professionnels affirment souffrir d'être de plus en plus éloignés de leur cœur de métier qui est l'urgence par l'augmentation constante de leurs interventions pour des missions d'assistance médico-sociale (carences ambulancières, aide aux personnes âgées). Le syndicat majoritaire chez les professionnels, la FA SPP-PATS, est sur la même longueur d'onde que celui des volontaires, opposé non pas à la vaccination mais à son obligation.
«Les pompiers sont des gens responsables, la majorité était vaccinée avant l'annonce de l'obligation», souligne à l'AFP son président Xavier Boy, «mais l'imposer est une atteinte aux libertés et un manque de reconnaissance». «Mise en première ligne, sans protection» au début de l'épidémie, la profession n'a que peu profiter de la prime Covid du gouvernement : «Deux cents pompiers l'ont perçue», déplore-t-il. Avec d'autres, son syndicat a entamé le 6 août un mouvement de grève illimité pour protester contre l'obligation vaccinale.
«Pas le choix»
Et même si la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a rejeté le 24 août une requête de 672 pompiers professionnels et volontaires contre celle-ci, la FA SPP-PATS annonce le dépôt d'un recours devant le Conseil d'Etat. Selon le ministère de l'Intérieur, 72% des pompiers (dont près de 100% des professionnels) avaient reçu, au 20 août, au moins une dose de vaccin (contre 54% une semaine plus tôt).
Mais Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF, qui chapeaute tous les effectifs), redoute une «perte de ressources» humaines après le 15 septembre. «Même si la très, très grande majorité est encline à se faire vacciner [...] il y a un très gros travail pour démystifier la vaccination, il faut expliquer», reconnaît-il. «Je ne suis pas antivaccin, les personnes à risque doivent se faire vacciner, mais pour moi, je considère qu'il y a plus de risques que de bénéfices», a ainsi affirmé ce 28 août à Lille (Nord) Christophe, 38 ans, conscient de la menace qui pèse sur son salaire. «Ce sera compliqué mais je ne me ferai pas vacciner pour ça», assure-t-il. «Moi, je n'aurai pas le choix», a déjà tranché à l'inverse un de ses collègues, Adrien, 29 ans, «je le ferai à contrecœur, car je ne peux pas ne pas avoir de salaire».