Projet de loi, puis examen parlementaire accéléré : le train de nouvelles mesures anti-Covid, dont l'extension controversée du pass sanitaire, arrive dès le 19 juillet en Conseil des ministres avant un parcours en forme de course contre la montre. Une semaine après les annonces d'Emmanuel Macron, sur lesquelles le chef de l'Etat joue une bonne partie de son crédit en vue de la présidentielle de 2022, le projet de loi devrait également faire l'objet d'un avis du Conseil d'Etat le 19 juillet.
Des mesures chocs aussi vivement soutenues que décriées ?
Les mesures fortes du texte seraient soutenues par une majorité de la population selon plusieurs sondages mais soulèvent également des critiques, comme le démontrent les manifestations ayant lieu dans toute la France le 17 juillet. La vaccination obligatoire pour les soignants et l'extension du pass sanitaire (prouvant qu'on est entièrement vacciné, en possession d'un test négatif récent ou immunisé) pour accéder aux trains ou aux bars et restaurants sont en particulier sous le feu des critiques.
Lors d'un déplacement à Bayonne puis sur la plage d'Anglet (Pyrénées-Atlantiques), le Premier ministre Jean Castex a défendu ces mesures, conçues pour combattre le virus tout en faisant en sorte de «faire peser le moins possible de contraintes sur l'ensemble de nos concitoyens». «Nous devons vacciner, nous devons déployer le pass sanitaire, c’est indispensable [pour rouvrir un maximum de lieux et d’activités]», a insisté le Premier ministre.
Le chef du gouvernement a aussi demandé de «se mobiliser pour que les délais de rendez-vous se réduisent au maximum». Objectif : relancer massivement la vaccination face à l'avancée possiblement fulgurante du variant Delta, et éviter qu'une quatrième vague épidémique n'oblige à revenir à des mesures de confinement ou de couvre-feu au moment où l'économie repart. Le nombre de vaccinations a atteint le record de 879 597 injections le 16 juillet, s'est félicité pour sa part le ministre de la Santé Olivier Véran.
Le projet de loi viendra le 20 juillet en fin de journée en commission à l'Assemblée nationale, puis dans l'Hémicycle le 21 juillet. Ce sera ensuite le 22 juillet au tour du Sénat, en vue d'une adoption définitive d'ici la fin de semaine, au bout de la session extraordinaire de juillet. Députés et sénateurs pourraient assez rapidement tomber d'accord sur ce texte qui fait l'objet sur ses principes d'une assez large approbation, hormis LFI et le RN. Les groupes LR et du Centre au Sénat ont cependant annoncé leur intention de saisir le Conseil constitutionnel «pour avoir toutes les garanties possibles» pour obtenir «le meilleur équilibre entre protection de la population et restriction des libertés».
Chacun pose ses exigences : le président du Sénat Gérard Larcher (LR) approuve ainsi l'extension du pass sanitaire, à condition néanmoins qu'il soit placé «sous le contrôle du Parlement».
Le PS plaide pour la correction du «périmètre de contrainte», l'UDI juge l'amende de 45 000€ «très excessive»
Le député et premier secrétaire du PS Olivier Faure estime que «le périmètre de contrainte» devra être «corrigé» au Parlement, notamment pour permettre l'accès aux centres commerciaux sans pass. De son côté, le président du groupe UDI au palais Bourbon Jean-Christophe Lagarde juge «très excessive» la peine prévue allant jusqu'à 45 000 euros d'amende et un an de prison pour les établissements qui ne respecteraient pas les obligations de contrôle du pass.
Des voix plus radicales crient aux libertés individuelles opprimées : l'eurodéputé LR François-Xavier Bellamy et le sénateur centriste Loïc Hervé jugent la liberté en France «gravement menacée» et étrillent «la stratégie de masse» choisie pour la vaccination, qui leur «semble hors de toute mesure». Leur tribune a été approuvée par la présidente du RN Marine Le Pen. «Aucun autre chef d’Etat n’aura menacé les libertés individuelles avec une telle brutalité, une telle violence», selon le numéro deux du parti Jordan Bardella.
A l'autre extrémité de l'échiquier politique, le patron de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a fustigé «une restriction considérable des libertés» et une «société où l'on contrôle tout le monde à tout bout de champ».
Du côté de la majorité, certains avaient dit oui du bout des lèvres en mai, lors de la création du pass pour l'accès aux grands évènements. Officiellement, ils se sont ralliés aux décisions du président mais «ça grince sur le pass et l'isolement» pendant dix jours pour toute personne contaminée, d'après une députée macroniste. Avec le Sénat et les élus alliés du MoDem, «on va avoir une négociation sur la date de fin du régime transitoire d'état d'urgence sanitaire [qui doit être prolongé jusqu'au 31 décembre]», pronostique aussi un député LREM.